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"Je ne demande aucun privilège, si j'ai commis des fautes, j'en assumerai toutes les conséquences, je ne suis pas un homme qui fuit ses responsabilités". Nicolas Sarkozy affirme mercredi que "jamais" il n'a "commis un acte contraire aux principes républicains ou à l'État de droit", dans une interview à TF1 et Europe 1. "je vous le dis dans les yeux, je n'ai rien à me reprocher", a-t-il insisté auprès des deux journalistes l'interviewant pour son premier entretien depuis sa défaite à l'élection présidentielle de 2012.
L'ancien chef de l'État, mis en examen dans la nuit de mardi à mercredi, notamment pour corruption et trafic d'influence actifs, assure qu'il "n'a jamais trahi la confiance" de personne. "Tout est fait pour donner une image de moi qui n'est pas conforme à la vérité", ajoute-t-il. "Il était venu le temps pour moi de m'expliquer, de prendre la parole, et la nuit dernière qui me fut réservée m'a convaincu de la nécessité de le faire ici et maintenant", souligne l'ancien chef de l'État.
"Je considère qu'il est anormal que moi qui ai un casier judiciaire vierge, je sois traité de la sorte", poursuit l'ancien chef d'État. Nicolas Sarkozy a mis ouvertement en cause l'impartialité de la juge Claire Thépaut, l'une des deux juges qui l'ont mis en examen, notamment pour corruption active, en soulignant qu'elle appartient au Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche.
"Est-il normal (...) qu'on choisisse, pour instruire une affaire où mon nom est cité (...) un magistrat qui appartient au SM?" et "dont l'obsession politique est de détruire la personne contre qui il doit instruire à charge et à décharge ?", a demandé l'ex-chef de l'État lors de son interview. "Ne pouvait-on pas me convoquer pour que je réponde aux questions des juges ? Devais-je absolument avoir rendez-vous à deux heures du matin avec les deux dames qui m'ont convoqué ?", a-t-il lancé, en dressant un parallèle avec le sort réservé en 2013 à l'ex-ministre PS du Budget Jérôme Cahuzac qui, poursuivi dans une affaire de fraude fiscale, "n'a pas fait une seconde de garde à vue".
"Elles (les deux magistrates, NDLR) m'ont signifié sans même me poser une question trois motifs de mise en examen avant même d'avoir répondu à quoi que ce soit", a ajouté Nicolas Sarkozy, qui considère qu'"il y a eu une volonté de (l)'humilier en (le) convoquant sous le statut de la garde à vue". "La revanche lorsqu'on est magistrat et que l'on doit instruire à charge et à décharge est la violation d'un principe du droit fondamental", a poursuivi Nicolas Sarkozy, avant de tempérer quelque peu ses propos. "Envers et contre tout, je crois dans l'honnêteté et l'impartialité des magistrats dans notre pays. Ne confondons pas une petite minorité militante et les magistrats", a-t-il précisé au micro de TF1 et d'Europe 1.
Il a par ailleurs qualifié de "grotesques" les chefs d'accusation qui lui sont reprochés. Nicolas Sarkozy a été mis en examen (inculpé) pour recel de violation du secret professionnel, corruption et trafic d'influence actifs, au terme de sa garde à vue, une procédure coercitive inédite en France à l'encontre d'un ancien président. La corruption et le trafic d'influence sont des délits passibles de peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison.
Les juges d'instruction cherchent à établir si l'ancien chef de l'État (2007-2012) a essayé d'obtenir, par l'intermédiaire de son avocat Thierry Herzog, des informations couvertes par le secret auprès d'un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, concernant une autre procédure judiciaire, contre la promesse d'un poste de prestige pour ce dernier à Monaco.
MM. Herzog et Azibert ont également été mis en examen mardi. "Monsieur Azibert était candidat à un poste à Monaco. Il ne l'a pas eu. Mon avocat, Thierry Herzog, m'a demandé si je pouvais me renseigner pour faire une démarche auprès de Monaco. Je n'ai pas fait cette démarche", s'est défendu Nicolas Sarkozy, affirmant qu'une écoute téléphonique versée au dossier le démontrait. "Le palais de Monaco a indiqué qu'il n'y a eu aucune démarche en faveur de M. Azibert", a ajouté l'ex-président. "Où est le trafic d'influence ? Où est la corruption?"
"Est-il normal que je sois sur écoute depuis si longtemps ?", interroge l'ancien chef de l'État. "Dans notre pays, qui est le pays des droits de l'homme et de l'État de droit, il y a des choses qui sont en train d'être organisées. Les Français doivent les connaître et, en leur conscience et en toute liberté, doivent juger de ce qu'il en est", déclare-t-il.
L'ex-président s'en est également pris nommément, concernant l'affaire des écoutes, à la Garde des Sceaux et au ministre de l'Intérieur. "Mme Taubira a été convaincue de mensonges lorsqu'elle a dit qu'elle n'avait jamais eu connaissance des écoutes", a affirmé Nicolas Sarkozy, ajoutant que "M. Valls a menti lorsqu'il était ministre de l'Intérieur". Quant aux déclarations du Premier ministre aujourd'hui, "les faits reprochés à M. Sarkozy sont très graves", "qu'en sait-il ?", s'est emporté l'ex-président. Dans sa ligne de mire également, les collaborateurs de "monsieur Hollande", qu'il accuse de s'être "livrés à une exploitation de mes archives en violation de toutes les règles républicaines".
Interrogé sur l'affaire Bygmalion, Nicolas Sarkozy a affirmé que "jamais le moindre système de double facturation" n'avait été mis en place durant la campagne présidentielle de 2012. "Il ne s'agit pas de ma campagne. En ce qui concerne ma campagne, je le dis à tous ceux qui m'ont soutenu, il n'y a jamais eu le moindre système de double facturation. (...) Les 17 millions (d'euros) qu'on prétend dépendre de ma campagne (et) qui auraient été cachés, c'est une folie. Personne ne peut imaginer que les enquêteurs du Conseil constitutionnel ou de la commission des comptes de campagne soient passés au travers", a-t-il déclaré.
Fin mai, la société Bygmalion, via son avocat, avait reconnu avoir indûment facturé à l'UMP des dépenses de meetings qui auraient dû être inscrites au compte de campagne de Nicolas Sarkozy, afin que celui-ci n'explose pas les plafonds autorisés par la loi. Le système de fausses factures a aussi été assumé par le directeur de campagne adjoint de la présidentielle de Nicolas Sarkozy, Jérôme Lavrilleux, qui a été placé en garde à vue dans cette affaire.
"Monsieur Lavrilleux aura à répondre devant la justice, et la justice fera son travail", a commenté Nicolas Sarkozy. "J'ai eu le même nombre de meetings que monsieur Hollande. J'ai déclaré que ces meetings avaient couté 13,6 millions, un peu moins de 14 millions. Pour le même nombre de meetings, monsieur Hollande déclare 9,6 millions. A lui, on ne lui pose aucune question, à moi oui", a poursuivi l'ancien chef de l'État.
"Si la justice avérait que la société Bygmalion a prélevé de l'argent à l'UMP alors qu'il n'y avait aucune raison, les dirigeants de l'UMP seraient alors en droit de porter plainte", a-t-il ajouté. L'ancien président a ajouté qu'il dirait "fin août, début septembre" s'il se présentait à la tête de l'UMP. "La question de savoir si on renonce" à revenir en politique "ne se pose pas pour moi", a affirmé Nicolas Sarkozy, ajoutant que "vis-à vis de son pays, on a des devoirs, pas des droits (...) Je connais les inquiétudes des Français".