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PRESENTATION

 

 

Contact: marcdhere.mdh@gmail.com 

 RECONQUÊTE est un  mouvement en construction. Ce n'est pas un parti politique, mais un Cercle de Réflexion et d'Action, ouvert à tous ceux, à quelque parti qu'ils appartiennent, ou sans parti, qui se reconnaissent dans ses valeurs et  principes. La Responsabilité et l'équivalence entre droits et devoirs à tous les niveaux,  le libéralisme économique,  la solidarité,  le choix d'une évolution réaliste et progressive dans le social et le sociétal,  l'Europe... 

 

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 16:30

 

 

Rappel

 

Larges Extraits

 

Centre de Conférence Ministériel (Paris) -- Lundi 23 mai 2011

 

 

 

 

...Il y a un peu moins de trois ans, à l'été 2008, la crise financière qui couvait depuis des mois s'aggravait brutalement et entraînait l'économie mondiale au bord du gouffre....

...En quelques semaines les financements bancaires s'étaient taris, entrainant le monde dans une crise économique d'une gravité exceptionnelle. Ce séisme, car ce fut un séisme, provoqué par un fonctionnement anarchique des marchés financiers se propageait alors inéluctablement au reste de l'économie, détruisant partout la croissance, l'emploi et le pouvoir d'achat.

 

A la suite de cette crise, j'ai promis aux Français de tout faire pour réformer ce capitalisme financier qui nous avait conduits au désastre, car c'est bien le capitalisme financier qui nous a conduits au désastre. ...

 

 ...C'est pourquoi j'ai souhaité que la Présidence française du G20 s'attaque aux racines de la crise et pose les bases d'une régulation efficace des marchés financiers. Le mot « régulation » n'est pas un gros mot, il n'y a pas de marché sans règle. Le marché sans règle n'est plus le marché. Il faut dans le même temps identifier et réunir les conditions d'une croissance qui apportera à nos populations le bien-être et la confiance dans le développement.

Il apparaît indispensable de renforcer la dimension sociale de la mondialisation.

 

La crise, que nous venons de traverser, a eu des effets dévastateurs sur le marché du travail : 30 millions de chômeurs,  en moins de deux ans... 

...Ces conséquences dramatiques de la crise ont mis à nu certains déséquilibres de la mondialisation. Les excédents accumulés par les uns ont servi à financer les déficits des autres, mais une chose est sûre, c'est que les inégalités se sont accrues partout...

 ...Entre le milliard de personnes les plus pauvres et le milliard de personnes les plus riches, l'écart du PIB par habitant s'est accru de 60% sur les sept dernières années. Dans la majorité des pays de l'OCDE, si l'extrême pauvreté a reculé, dans le même temps, les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se sont creusés.

 

La mondialisation crée des tensions douloureuses et ces tensions sont multiformes : tensions pour les entrepreneurs, confrontés à une concurrence de plus en plus forte. Ce qui est bien, sauf que cette concurrence n'est pas toujours loyale, ce qui est un grave problème. Tensions pour les millions de travailleurs sans protection sociale. Tensions pour les familles et les communautés déstructurées par les délocalisations. N'oublions pas non plus la pression migratoire qui trouve sa source dans des inégalités d'aujourd'hui et dans les drames écologiques de demain.

 

Par l'action du G20, nous avons pu amortir l'impact de la crise financière et économique sur nos sociétés. Nous avons pu éviter le protectionnisme et le repli sur soi. Mais il faut aller plus loin. La coordination des plans de relance a été un pas dans la bonne direction.

Nous avons mis en œuvre des mesures pour préserver le secteur financier. Les institutions financières ont du coup retrouvé le sentiment national, alors même que les grandes institutions financières privées nous expliquaient, avant la crise, qu'elles étaient des entreprises monde qui n'avaient pas de nationalité. Pendant la crise, celles qui n'avaient aucune nationalité, ne se sont pas trompés de guichet ! Elles ont retrouvé, comme par miracle, leur nationalité ! ...

...Ont été bien heureuses, ces institutions, de trouver la signature des Etats pour garantir leur propre crédibilité. ...Ensemble, nous avons décidé de tout mettre en œuvre pour limiter l'impact de la crise et pour protéger l'emploi. Mais la crise n'a pas été une parenthèse, elle a été le révélateur de disfonctionnement et d'anarchie, et les mêmes causes produiraient demain les mêmes effets, si nous ne les réformons pas puissamment.

 

Le préambule de la constitution de l'OIT...  nous rappelle opportunément qu'« une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ».

Les révolutions en cours au Proche et au Moyen-Orient démontrent que cette aspiration à la justice sociale est partagée dans toutes les régions du monde, mais démontrent aussi que la réponse à cette attente ne peut plus se faire au seul niveau national.

Pendant des décennies, la réponse était exclusivement nationale. D'ailleurs, même nous, en Europe, nous avions prévu que nos systèmes de retraite, nos systèmes de santé, nos systèmes de protection étaient nationaux et non pas communautaires.

Les choses ont changé et il est désormais indispensable de mieux coordonner nos actions nationales, de jeter les bases d'une gouvernance économique mondiale dont le G20 est la préfiguration.

 

Aujourd'hui, les grandes institutions ont fait un remarquable travail, cher Monsieur le directeur général SOMAVIA. Je sais que l'Organisation internationale du travail est depuis longtemps engagée dans la mise en œuvre d'une gouvernance internationale plus juste et plus efficace.

La "Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable" (2008) et le "Pacte mondial pour l'emploi" (2010) ont proposé des lignes directrices qui nous engagent tous, en tant qu'États membres de l'OIT. Et en juin 2010, la conférence internationale du travail a justement souligné la nécessité d'améliorer la cohérence entre les politiques économiques, financières et sociales, et entre les institutions qui les portent...

 

....Nous pouvons également nous réjouir que la Banque mondiale adopte prochainement une « Stratégie sur la protection sociale et le travail ». Elle s'est par ailleurs associée à de nombreuses initiatives pour développer des filets sociaux ciblés vers les plus démunis comme le programme « Bolsa familial » au Brésil dont je tiens à saluer le ministre des Affaires sociales, Carlos Eduardo GABAS...

 

...La conviction de la France est que nous devons aller plus loin.

Le G20 doit prendre la responsabilité de cette ambition nouvelle parce qu'il rassemble les principaux membres des organisations concernées.

Notre objectif, c'est de mettre en place de nouveaux outils pour une cohérence renforcée ; c'est de faire en sorte que la mondialisation s'appuie sur le progrès social pour renforcer le progrès économique.

 

Je suis convaincu que l'ouverture et la mondialisation sont des opportunités mais nous ne pouvons pas accepter que cela entraîne un accroissement insupportable des inégalités ou du chômage. Il y a 8 personnes sur 10 dans le monde qui n'ont aucun système de protection sociale. Qu'un tiers des individus dans le monde n'ont accès à aucun service ou établissement de santé. Qu'il y a un milliard d'habitants, le milliard le plus pauvre dont l'espérance de vie est de 51 ans, quand l'espérance de vie du milliard d'habitant le plus riche est de 80 ans.

...La mondialisation est incontestablement un progrès, il n'y pas d'autre stratégie possible que d'accepter la mondialisation. Mais parce que nous l'acceptons, nous devons la réguler et éviter les impasses de la mondialisation.

 

Pour cela il me semble que nous pouvons agir sur trois leviers :

- Tout d'abord, encourager le développement de socles de protection sociale...

Je ne crois pas à un modèle social unique. Mais la crise nous a montré l'intérêt des mécanismes de protection sociale pour amortir les effets de la crise économique.
Je veux dire par là qu'un socle de protection sociale peut être un élément du développement économique et je voudrais défendre cette idée. Il n'y a pas d'un côté le social et de l'autre l'économie. Dans un pays comme la France si nous avons connu une récession moins forte que celle d'autres pays européens, pratiquement l'une des moins fortes, c'est parce que nous avions ce système de protection sociale qui pendant la crise a agi comme un système de développement économique. ... Les économies se portent mieux lorsqu'il existe des régimes de protection sociale efficaces, parce qu'ils conduisent à améliorer la productivité des salariés et à favoriser une croissance équilibrée et durable. On ne s'en rend pas compte quand la croissance va bien mais quand cela va mal, on comprend ce que nous nous appelons l'importance des stabilisateurs. La protection sociale agit comme un stabilisateur économique.

Je sais bien que la construction dans chaque pays d'un socle de protection sociale prendra du temps. Il ne s'agit évidemment pas d'imposer aux pays les plus pauvres les normes et les systèmes sociaux des pays les plus riches.

 

Mais nous devons progresser. Nous disposons des travaux de la commission que préside Mme BACHELET et qui fait un travail remarquable avec tous ses membres, dont Martin HIRSCH que je salue. Mais il faut que nous avancions. Et parfois il m'arrive de penser que j'aimerais que l'OIT tape du poing sur la table plus fort parce que je ne suis pas sûr que par la seule diplomatie, nous finissions par avancer à la vitesse qu'impose la crise.

 

- Ensuite, et je remercie Xavier BERTRAND de l'avoir engagé, nous devons mettre l'emploi au cœur de nos choix économiques.

Nous sommes tous d'accord pour favoriser une croissance forte, durable et équilibrée, c'est l'objectif central du G20.

Mais sommes-nous certains que les politiques sociales et les politiques d'emploi ont toute la place qu'elles méritent dans nos stratégies de sorties de crise ? Je ne le crois pas. L'OCDE et le BIT l'ont montré dans les travaux qu'ils ont déjà réalisés : si nous voulons retrouver en 2015 le niveau d'emploi qui prévalait avant la crise, il faut créer 110 millions d'emplois dans l'ensemble des pays du G20, soit 22 millions par an pour retrouver le niveau d'emplois d'avant la crise. Je ne dis pas que cela se fera parce que l'on mettra l'emploi au cœur de nos stratégies de sortie de crise. Mais ce que je sais, c'est que si on ne le met pas, cela n'a aucune chance de se faire.

 

En ce domaine, je veux souligner le pas important qui a été franchi au niveau européen, chère Christine et Cher Laurent, avec le pacte pour l'euro.

En s'appuyant sur l'expertise de l'OCDE et du BIT, les pays du G20 pourraient réfléchir aux moyens de faciliter l'accès à des formations professionnalisantes, au développement de l'alternance, ou à l'anticipation des besoins de compétences et d'orientation. Cela doit être un sujet majeur du G20.

L'ensemble de ces questions nous ramène également à la mesure du bien-être et du développement dans nos sociétés. Je souhaite redire ici ma conviction que l'instrument du PIB ne peut résumer notre perception des enjeux économiques et sociaux. Si nous ne mesurons que la quantité de croissance nous passons à côté d'une réalité. Les indicateurs ne peuvent être uniquement des indicateurs quantitatifs. Ils doivent également être des indicateurs qualitatifs.

Les recommandations de la commission STIGLITZ-SEN-FITOUSSI et les travaux de l'OCDE sur des nouveaux indicateurs de bien-être, cher Angel GURIA, doivent nous permettre de mieux prendre en compte les dimensions sociales et environnementales de la croissance. Tout simplement parce que si les pays qui se soucient du social et de l'environnemental n'en ont aucune reconnaissance dans les indicateurs de la croissance, pourquoi voudriez-vous qu'ils se soucient du social et de l'environnemental ? Puisque ça ne serait jugé au mieux en n'en tenant pas compte, au pire comme un handicap.

 

- Le troisième levier est celui du respect accru des droits du travail.

 La présidence française demande d'instaurer entre les Nations un système de règles qui tire tout le monde vers le haut, nous devons refuser une concurrence sans règle qui entraînerait tout le monde vers le bas.

Et que l'on ne vienne pas nous faire le procès d'être contre le libre-échange ou l'économie de marchés. De toutes les fibres de mon engagement politique, je suis pour le libre-échange et pour l'économie de marchés. Mais les valeurs qui sont les nôtres, si cela conduit à tirer tout le monde vers le bas, est-ce que nous ne faisons pas fausse route ? Auquel cas prenons le pays qui a le salaire les plus bas et la protection sociale la plus basse et alignons-nous sur lui. Si on fait comme cela, croyez-vous que le monde sera plus heureux, plus stable, plus sûr ? Ne peut-on pas viser une harmonisation vers le haut ? Je m'adresse au directeur général de l'OIT : la France ne peut pas accepter que les huit conventions de l'OIT sur les droits fondamentaux du travail ne soient pas ratifiées par tous les membres du G20, qui sont par ailleurs pour le plupart membres de l'OIT.

 

Je voudrais insister sur ce point. Si un pays est membre d'une organisation, car personne n'est obligé d'être membre de l'OIT, et que l'OIT fixe huit normes comme socle minimum de protection sociale, comment comprendre que ces huit normes ne soient pas ratifiées par ces paus? Je demande au directeur général de l'OIT d'assurer une grande publicité sur ces normes de l'OIT et sur l'application de ces normes. Ce n'est pas un modèle social unique, c'est un socle social minimum.

 

Ces normes, ce sont par exemple l'interdiction du travail des enfants, du travail des prisonniers. Certains pourraient penser que ce n'est pas assez ambitieux, mais rendez-vous compte, c'est un minimum ! Et maintenant que l'OIT participe au G20, ce que la France a défendu, je souhaite que cette question soit clairement posée à la face du monde. Qui applique les huit normes ? Qui ratifie la convention ? Et qui peut être contre ça ? Personne. Bien sûr il faut mettre de l'énergie à lutter contre la tentation du protectionnisme, parce ce n'est pas la solution, mais mettons la même énergie à lutter pour l'application des huit normes minimum. A ce moment-là, les citoyens du monde comprendront que la mondialisation peut être un progrès.


Je voudrais terminer en vous disant qu'il serait contre-productif de retomber dans les vieux débats qui voudraient opposer dimension économique et dimension sociale de la mondialisation. Chacune a besoin de l'autre. Je ne suis pas naïf,  nous ne ferons pas tout en un jour. La présidence française a ainsi pu s'appuyer sur les travaux des sommets de Pittsburgh et de Washington. Nous passerons nous-mêmes le relais au Mexique. Nous associerons les partenaires sociaux à la marche du G20, parce que sinon, c'est la légitimité même du G20 qui se trouverait posée. Ce n'est pas une petite affaire. La France a beaucoup fait pour la création du G20 et donc vous ne trouverez aucune critique du G20 dans ma bouche. C'est formidable d'avoir un G20 des chefs d'entreprises, mais les partenaires sociaux doivent être associés aux travaux du G20.

Le fait que, depuis Pittsburgh, les partenaires sociaux, patronats et syndicats, participent aux discussions du G20 consacrés aux enjeux sociaux constitue à mes yeux une avancée considérable. Mais maintenant que vous êtes face à face, ou côte à côte, il faut que cela produise des résultats.

 

La conférence qui nous réunit aujourd'hui est importante à ce titre. Pour la première fois des ministres du travail et des représentants des partenaires sociaux vont dialoguer avec les dirigeants des grandes organisations internationales pour réfléchir aux moyens de renforcer la dimension sociale de la mondialisation.

Je souhaite que vos débats abordent tous les sujets, pour mieux révéler les obstacles que nous aurons à surmonter. Une mondialisation plus forte, qui profite davantage aux salariés et au progrès social, telle est l'ambitieuse feuille de route qui vous est confiée. Je serai très attentif aux propositions que vous formulerez, comme le seront les peuples du monde entier.

Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est impossible ! C'est simplement difficile, mais si ce n'était pas difficile, d'autres s'en seraient occupés avant nous. Mais si vous ne vous en occupez pas, alors nous serons dans une situation qui, elle, risque de devenir absolument incontrôlable. C'est ça l'enjeu. Chacun a ses idées, chacun a ses contraintes, c'est difficile pour tout le monde, mais en se parlant, en se rencontrant, en élaborant des stratégies, je crois qu'on peut crédibiliser cette idée : progrès économique et progrès social vont de pair. Ils ne sont pas antinomiques.

 

Faisons un effort les uns envers les autres, sortons des postures habituelles, les libres échangistes sans cœur ou les généreux sans vision. Nous sommes au XXIème siècle qui sera le siècle où on tournera le dos aux idéologies, ces idéologies qui ont fait tant de mal au XXème siècle. Soyons pragmatiques et soyons convaincus que le maximum des citoyens du monde doivent profiter des progrès économiques générés par la mondialisation. C'est la seule voie possible pour nous et ce sera l'ambition de la présidence française.

Je vous remercie.

 

Nicolas Sarkozy 

 

 

A voir aussi: 4 ans d'action: mai 2007- mai 2011 :  http://marcdhere.over-blog.com/article-quatre-ans-d-action-mai-2007-mai-2011-73916545.html

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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 20:39

 

Claude Imbert, Le Point du 14 7...

 

Dans les délassements de l'été, offrez-vous donc un peu de recul ! Et, d'en haut, vous verrez mieux où vogue la Nation. Où elle nous mène, embarqués que nous sommes dans le grand dérangement planétaire.

Vous conviendrez que notre pessimisme national vient surtout de quitter un monde ancien. Les clips et les "zaps" de la vitesse ont défait le temps d'autrefois et le déménagement a bousculé d'anciens pénates. L'avenir surtout n'est plus caressé de nos certitudes. Nous sommes, ces temps-ci, passagers de l'inconnu.

Il suffit, sans chercher midi à quatorze heures, de constater déjà l'agonie d'une ère où notre Occident tenait sans partage le haut du pavé. En une à deux générations, la globalisation du monde aura jeté, dans un même bain planétaire, les vieux riches que nous sommes et des milliards de pauvres de la fourmilière humaine. Comment y naviguer ? Ce n'est pas la mer à boire. Mais c'est une autre mer.

 

L'Histoire nous a si longtemps protégés qu'on croit sa bienveillance éternelle. Nous jouissons encore du fastueux parcours d'un Occident prince des techniques, maître des énergies mécaniques, électriques, conquérant colonial, alors assuré de détenir dans l'essor économique et démocratique les clés de l'avenir du monde. Chez les pauvres, seul le communisme aura rejeté nos sésames de l'économie de marché et proposé au monde sa voie alternative, avant qu'elle ne tourne à l'impasse chez les deux géants russe et chinois et ne serve partout de repoussoir.

 

Enfin - et nous y voici ! -, la solidarisation accélérée de la planète, loin de récuser nos recettes, les a, au contraire, accaparées. Elle ouvre aux pauvres une voie royale vers l'univers des riches, extirpe de l'absolue détresse des milliards d'hommes, éveille des continents assoupis. Cette globalisation qui nous effraie, les pauvres la chérissent. Dans le grouillement universel des tankers, des conteneurs marchands et d'Internet, leur croissance s'envole quand la nôtre piétine. Déjà, chez les pauvres, l'aspiration démocratique palpite, comme nous l'avions idéalement espéré. Mais, dans les fièvres de cette révolution mondiale, leur naturelle impatience dérange nos sacro-saints privilèges de ci-devants. Les sans-culottes de la planète se prennent à espérer quand nous désespérons.

 

Chez nous, Français, la mondialisation se diabolise de jour en jour. Ses atouts sont lents et mal perçus, ainsi de la baisse des prix des produits de consommation. A l'inverse, ses dommages nous sautent à la gorge : ainsi des fermetures d'usines condamnées par la concurrence. Les consommateurs y gagnent et ne le savent pas tandis que les travailleurs matraqués exhibent leur détresse. Ensuite,"la répartition des gains est inégale : les multinationales en profitent plus que les PME, et les actionnaires plus que les salariés"(1). Là-contre, l'utopie de la "démondialisation" et du protectionnisme national feint d'ignorer les nouvelles réalités des échanges mondiaux. La France, par ses sous-traitants, profite de Boeing comme les Américains d'Airbus. Contrairement à une idée reçue, les exportations françaises ne sont pas prioritairement victimes du dumping social chinois : c'est en Europe que nos ventes diminuent et dans le reste du monde qu'elles progressent.

 

Bref, l'idée d'une fermeture des frontières est aussi irréelle que dévastatrice : que deviendrait notre Nation si la rétorsion inévitable étranglait nos exportations ? Un pays européen, l'Allemagne, a, lui, choisi carrément le grand large : il a, par des réformes drastiques, relevé le défi. Avec ce même euro qui n'est donc pas le pelé, le galeux dont viendrait tout le mal.

La mondialisation n'est certes pas heureuse pour tout le monde. Des régulations "urgent", et d'abord dans la sphère financière. La maîtrise nationale reste nécessaire pour amortir les à-coups. Mais, pour les temps nouveaux, l'adversité, c'est, encore et toujours, le dégoût du travail, l'abus de l'assistance d'Etat. Et le délabrement de l'enseignement.

 

Cette mutation implacable des techniques, des moeurs et des rapports de forces mondiaux, la France l'aborde en gémissant. La Nation souffre des flux incontrôlés d'une immigration globalement fatale dans une Europe à la démographie asthénique. Les trois vieux piliers de la cohésion nationale sont ébranlés : la famille, l'Eglise, l'école. Notre espérance collective, arrimée à l'idée de progrès, s'étiole devant le prophétisme apocalyptique de l'environnement planétaire.

 

Nous vivons, dirait-on, l'épreuve du homard. Pendant sa mue, il perd sa carapace comme notre Nation perd la sienne. Avant d'en retrouver une nouvelle, le homard, craintif, adopte le principe de précaution. Il est anxieux et ridicule. En somme, dans l'état vaguement pathétique du mutant.

 
Claude Imbert

 

 

1. Zaki Laïdi (Le Monde du 30 juin 2011).

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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 05:39

 

Claude Imbert, Le Point du 23 06 2011...

 

 

La Turquie épanouie, la Grèce défoncée ! Ce contraste fascinant des deux ennemis héréditaires, ces jours-ci, fait passer sur la Méditerranée comme un frisson d'Histoire.

Qui eût imaginé, dans l'Europe de Byron et de Chateaubriand, que la Grèce, alors arrachée avec tant de ferveur à la griffe ottomane, exhiberait cette tumeur monétaire dont les métastases menacent, via l'euro, le grand dessein européen ? Et que, dans le même temps, Constantinople, alias Istanbul, dispenserait à l'aire arabo-musulmane l'attrait d'un modèle édifiant ? Matrice de bonheurs et tragédies exemplaires, notre Méditerranée bouge toujours entre Orient et Occident.

 

La Grèce, en coma monétaire, est devenue le calvaire de l'euro. Sous le coup de la crise, l'Union européenne aura "découvert", à Athènes, un gouffre financier creusé par l'anarchie des dépenses d'Etat et le truquage des comptes publics. Une incurie du pouvoir grec assortie, chez les citoyens, d'une généralisation inouïe de la fraude fiscale. Une incurie européenne pour avoir caché et repoussé le scandale grec comme la poussière sous le tapis.

Le terrible déficit grec est aujourd'hui un culbuto : veut-on l'aplatir qu'aussitôt il se redresse.

 

D'un côté, les marchés et, de l'autre, les banques, les Etats et le FMI s'échinent à le maîtriser avec le sentiment vertigineux d'ignorer l'issue... mais d'y courir inéluctablement. La solidarité de la zone euro rechigne à secourir, aux frais des vertueux, le vice des tricheurs. Mais l'impossibilité, au sein de l'euro, des dévaluations nationales contraint à cette "immorale" solidarité, faute de quoi l'euro se trouverait lui-même emporté : le mal grec entraînerait dans sa contagion virale l'Espagne, le Portugal, d'autres peut-être, dans la spirale du pire.

 

En fait, seuls les pays disposant d'une gestion rigoureuse et d'une industrie performante - au premier chef, l'Allemagne - tirent aujourd'hui leur épingle du jeu. Ceux qui ne surnagent qu'avec des "services" - ainsi, le tourisme - et dans l'addiction aux dettes sont durablement plombés. La sortie de crise atténuera, mais sans les supprimer, leurs handicaps.

L'euro et, au-delà, l'Union affrontent donc désormais leur plus dramatique défi. L'accord franco-allemand vient, une fois encore, d'éviter la catastrophe. Et on ne peut qu'approuver ceux qui, comme Sarkozy, refusent de jeter l'Europe avec l'eau du bain. Mais la vidange reste à faire. Car l'euro sent le sapin (voir en page 50). Un enfant comprendrait que la vraie solution, politique, est moins grecque qu'européenne. Sans une refonte de toute la machinerie communautaire, sans une gouvernance économique, l'euro, déjà à vau-l'eau, ira au diable. Et l'Europe avec lui.

 

Face à la déconfiture gréco-européenne, la victoire électorale d'Erdogan souligne l'épanouissement de la Turquie. Avec son poids démographique (75 millions d'habitants) et militaire, sa croissance impressionnante, la Turquie impose sa stabilité dans une région vouée aux désordres prometteurs mais énigmatiques des révoltes arabes et aux conflits récurrents chiites-sunnites ou israélo-palestinien.

 

Si la Turquie inspire, ces temps-ci, des peuples arabes qui, avec elle, n'ont guère en commun que l'islam, c'est justement pour avoir développé un islam démocratique, épris de libre entreprise et acceptant la laïcité de l'Etat. Cette laïcité fondée par Atatürk, défendue depuis cinquante ans par l'armée, est aujourd'hui tenue en lisière par l'expansion démocratique du parti islamique. Sa réussite n'inspire que des éloges. Avec néanmoins une seule crainte laïque et européenne : celle d'inoculer peu à peu la charia (la loi islamique) par les urnes.

Erdogan jouit du soutien des classes populaires et de la nouvelle bourgeoisie d'Anatolie, plus conservatrice et religieuse que la société cosmopolite d'Istanbul. Il flotte, chez les siens, un parfum de nostalgie ottomane que réveille son salut (tardif) aux révoltes arabes.

 

En fait, la Turquie, travaillée par des aspirations contradictoires, balance entre plusieurs voies. L'autoritarisme islamique d'Erdogan inquiète, mais il ne pourra pas réformer la Constitution à sa guise. L'islamisation progresse avec l'ordre moral musulman, mais on trouve aussi, dans l'intelligentsia, une résistance laïque solide et sur les rivages turcs... plages naturistes et bars gays. L'aspiration libertaire progresse avec Internet, mais les censures persistent et des journalistes sont arrêtés.

 

Quant au virage diplomatique turc, il traduit un neuf et naturel désir d'autonomie et d'influence, mais ses diverses tentatives de médiation - la dernière en Libye - ont échoué. La résistance identitaire kurde (20 % de la population) reste un souci dominant qu'attise l'effondrement de l'allié et voisin syrien. L'Arménie et Chypre ne dorment que d'un oeil dans leur placard.

Conclusion : il est trop tôt pour parier sur un avenir turc encore très ouvert. Mais on sait déjà qu'il pèsera lourd entre Orient et Occident.

 

Claude Imbert, Le Point

 

 

 

 

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 10:22

 

Larges Extraits

 

Centre de Conférence Ministériel (Paris) -- Lundi 23 mai 2011

 

 

 

 

...Il y a un peu moins de trois ans, à l'été 2008, la crise financière qui couvait depuis des mois s'aggravait brutalement et entraînait l'économie mondiale au bord du gouffre....

...En quelques semaines les financements bancaires s'étaient taris, entrainant le monde dans une crise économique d'une gravité exceptionnelle. Ce séisme, car ce fut un séisme, provoqué par un fonctionnement anarchique des marchés financiers se propageait alors inéluctablement au reste de l'économie, détruisant partout la croissance, l'emploi et le pouvoir d'achat.

 

A la suite de cette crise, j'ai promis aux Français de tout faire pour réformer ce capitalisme financier qui nous avait conduits au désastre, car c'est bien le capitalisme financier qui nous a conduits au désastre. ...

 

 ...C'est pourquoi j'ai souhaité que la Présidence française du G20 s'attaque aux racines de la crise et pose les bases d'une régulation efficace des marchés financiers. Le mot « régulation » n'est pas un gros mot, il n'y a pas de marché sans règle. Le marché sans règle n'est plus le marché. Il faut dans le même temps identifier et réunir les conditions d'une croissance qui apportera à nos populations le bien-être et la confiance dans le développement.

Il apparaît indispensable de renforcer la dimension sociale de la mondialisation.

 

La crise, que nous venons de traverser, a eu des effets dévastateurs sur le marché du travail : 30 millions de chômeurs,  en moins de deux ans... 

...Ces conséquences dramatiques de la crise ont mis à nu certains déséquilibres de la mondialisation. Les excédents accumulés par les uns ont servi à financer les déficits des autres, mais une chose est sûre, c'est que les inégalités se sont accrues partout...

 ...Entre le milliard de personnes les plus pauvres et le milliard de personnes les plus riches, l'écart du PIB par habitant s'est accru de 60% sur les sept dernières années. Dans la majorité des pays de l'OCDE, si l'extrême pauvreté a reculé, dans le même temps, les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se sont creusés.

 

La mondialisation crée des tensions douloureuses et ces tensions sont multiformes : tensions pour les entrepreneurs, confrontés à une concurrence de plus en plus forte. Ce qui est bien, sauf que cette concurrence n'est pas toujours loyale, ce qui est un grave problème. Tensions pour les millions de travailleurs sans protection sociale. Tensions pour les familles et les communautés déstructurées par les délocalisations. N'oublions pas non plus la pression migratoire qui trouve sa source dans des inégalités d'aujourd'hui et dans les drames écologiques de demain.

 

Par l'action du G20, nous avons pu amortir l'impact de la crise financière et économique sur nos sociétés. Nous avons pu éviter le protectionnisme et le repli sur soi. Mais il faut aller plus loin. La coordination des plans de relance a été un pas dans la bonne direction.

Nous avons mis en œuvre des mesures pour préserver le secteur financier. Les institutions financières ont du coup retrouvé le sentiment national, alors même que les grandes institutions financières privées nous expliquaient, avant la crise, qu'elles étaient des entreprises monde qui n'avaient pas de nationalité. Pendant la crise, celles qui n'avaient aucune nationalité, ne se sont pas trompés de guichet ! Elles ont retrouvé, comme par miracle, leur nationalité ! ...

...Ont été bien heureuses, ces institutions, de trouver la signature des Etats pour garantir leur propre crédibilité. ...Ensemble, nous avons décidé de tout mettre en œuvre pour limiter l'impact de la crise et pour protéger l'emploi. Mais la crise n'a pas été une parenthèse, elle a été le révélateur de disfonctionnement et d'anarchie, et les mêmes causes produiraient demain les mêmes effets, si nous ne les réformons pas puissamment.

 

Le préambule de la constitution de l'OIT...  nous rappelle opportunément qu'« une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ».

Les révolutions en cours au Proche et au Moyen-Orient démontrent que cette aspiration à la justice sociale est partagée dans toutes les régions du monde, mais démontrent aussi que la réponse à cette attente ne peut plus se faire au seul niveau national.

Pendant des décennies, la réponse était exclusivement nationale. D'ailleurs, même nous, en Europe, nous avions prévu que nos systèmes de retraite, nos systèmes de santé, nos systèmes de protection étaient nationaux et non pas communautaires.

Les choses ont changé et il est désormais indispensable de mieux coordonner nos actions nationales, de jeter les bases d'une gouvernance économique mondiale dont le G20 est la préfiguration.

 

Aujourd'hui, les grandes institutions ont fait un remarquable travail, cher Monsieur le directeur général SOMAVIA. Je sais que l'Organisation internationale du travail est depuis longtemps engagée dans la mise en œuvre d'une gouvernance internationale plus juste et plus efficace.

La "Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable" (2008) et le "Pacte mondial pour l'emploi" (2010) ont proposé des lignes directrices qui nous engagent tous, en tant qu'États membres de l'OIT. Et en juin 2010, la conférence internationale du travail a justement souligné la nécessité d'améliorer la cohérence entre les politiques économiques, financières et sociales, et entre les institutions qui les portent...

 

....Nous pouvons également nous réjouir que la Banque mondiale adopte prochainement une « Stratégie sur la protection sociale et le travail ». Elle s'est par ailleurs associée à de nombreuses initiatives pour développer des filets sociaux ciblés vers les plus démunis comme le programme « Bolsa familial » au Brésil dont je tiens à saluer le ministre des Affaires sociales, Carlos Eduardo GABAS...

 

...La conviction de la France est que nous devons aller plus loin.

Le G20 doit prendre la responsabilité de cette ambition nouvelle parce qu'il rassemble les principaux membres des organisations concernées.

Notre objectif, c'est de mettre en place de nouveaux outils pour une cohérence renforcée ; c'est de faire en sorte que la mondialisation s'appuie sur le progrès social pour renforcer le progrès économique.

 

Je suis convaincu que l'ouverture et la mondialisation sont des opportunités mais nous ne pouvons pas accepter que cela entraîne un accroissement insupportable des inégalités ou du chômage. Il y a 8 personnes sur 10 dans le monde qui n'ont aucun système de protection sociale. Qu'un tiers des individus dans le monde n'ont accès à aucun service ou établissement de santé. Qu'il y a un milliard d'habitants, le milliard le plus pauvre dont l'espérance de vie est de 51 ans, quand l'espérance de vie du milliard d'habitant le plus riche est de 80 ans.

...La mondialisation est incontestablement un progrès, il n'y pas d'autre stratégie possible que d'accepter la mondialisation. Mais parce que nous l'acceptons, nous devons la réguler et éviter les impasses de la mondialisation.

 

Pour cela il me semble que nous pouvons agir sur trois leviers :

- Tout d'abord, encourager le développement de socles de protection sociale...

Je ne crois pas à un modèle social unique. Mais la crise nous a montré l'intérêt des mécanismes de protection sociale pour amortir les effets de la crise économique.
Je veux dire par là qu'un socle de protection sociale peut être un élément du développement économique et je voudrais défendre cette idée. Il n'y a pas d'un côté le social et de l'autre l'économie. Dans un pays comme la France si nous avons connu une récession moins forte que celle d'autres pays européens, pratiquement l'une des moins fortes, c'est parce que nous avions ce système de protection sociale qui pendant la crise a agi comme un système de développement économique. ... Les économies se portent mieux lorsqu'il existe des régimes de protection sociale efficaces, parce qu'ils conduisent à améliorer la productivité des salariés et à favoriser une croissance équilibrée et durable. On ne s'en rend pas compte quand la croissance va bien mais quand cela va mal, on comprend ce que nous nous appelons l'importance des stabilisateurs. La protection sociale agit comme un stabilisateur économique.

Je sais bien que la construction dans chaque pays d'un socle de protection sociale prendra du temps. Il ne s'agit évidemment pas d'imposer aux pays les plus pauvres les normes et les systèmes sociaux des pays les plus riches.

 

Mais nous devons progresser. Nous disposons des travaux de la commission que préside Mme BACHELET et qui fait un travail remarquable avec tous ses membres, dont Martin HIRSCH que je salue. Mais il faut que nous avancions. Et parfois il m'arrive de penser que j'aimerais que l'OIT tape du poing sur la table plus fort parce que je ne suis pas sûr que par la seule diplomatie, nous finissions par avancer à la vitesse qu'impose la crise.

 

- Ensuite, et je remercie Xavier BERTRAND de l'avoir engagé, nous devons mettre l'emploi au cœur de nos choix économiques.

Nous sommes tous d'accord pour favoriser une croissance forte, durable et équilibrée, c'est l'objectif central du G20.

Mais sommes-nous certains que les politiques sociales et les politiques d'emploi ont toute la place qu'elles méritent dans nos stratégies de sorties de crise ? Je ne le crois pas. L'OCDE et le BIT l'ont montré dans les travaux qu'ils ont déjà réalisés : si nous voulons retrouver en 2015 le niveau d'emploi qui prévalait avant la crise, il faut créer 110 millions d'emplois dans l'ensemble des pays du G20, soit 22 millions par an pour retrouver le niveau d'emplois d'avant la crise. Je ne dis pas que cela se fera parce que l'on mettra l'emploi au cœur de nos stratégies de sortie de crise. Mais ce que je sais, c'est que si on ne le met pas, cela n'a aucune chance de se faire.

 

En ce domaine, je veux souligner le pas important qui a été franchi au niveau européen, chère Christine et Cher Laurent, avec le pacte pour l'euro.

En s'appuyant sur l'expertise de l'OCDE et du BIT, les pays du G20 pourraient réfléchir aux moyens de faciliter l'accès à des formations professionnalisantes, au développement de l'alternance, ou à l'anticipation des besoins de compétences et d'orientation. Cela doit être un sujet majeur du G20.

L'ensemble de ces questions nous ramène également à la mesure du bien-être et du développement dans nos sociétés. Je souhaite redire ici ma conviction que l'instrument du PIB ne peut résumer notre perception des enjeux économiques et sociaux. Si nous ne mesurons que la quantité de croissance nous passons à côté d'une réalité. Les indicateurs ne peuvent être uniquement des indicateurs quantitatifs. Ils doivent également être des indicateurs qualitatifs.

Les recommandations de la commission STIGLITZ-SEN-FITOUSSI et les travaux de l'OCDE sur des nouveaux indicateurs de bien-être, cher Angel GURIA, doivent nous permettre de mieux prendre en compte les dimensions sociales et environnementales de la croissance. Tout simplement parce que si les pays qui se soucient du social et de l'environnemental n'en ont aucune reconnaissance dans les indicateurs de la croissance, pourquoi voudriez-vous qu'ils se soucient du social et de l'environnemental ? Puisque ça ne serait jugé au mieux en n'en tenant pas compte, au pire comme un handicap.

 

- Le troisième levier est celui du respect accru des droits du travail.

 La présidence française demande d'instaurer entre les Nations un système de règles qui tire tout le monde vers le haut, nous devons refuser une concurrence sans règle qui entraînerait tout le monde vers le bas.

Et que l'on ne vienne pas nous faire le procès d'être contre le libre-échange ou l'économie de marchés. De toutes les fibres de mon engagement politique, je suis pour le libre-échange et pour l'économie de marchés. Mais les valeurs qui sont les nôtres, si cela conduit à tirer tout le monde vers le bas, est-ce que nous ne faisons pas fausse route ? Auquel cas prenons le pays qui a le salaire les plus bas et la protection sociale la plus basse et alignons-nous sur lui. Si on fait comme cela, croyez-vous que le monde sera plus heureux, plus stable, plus sûr ? Ne peut-on pas viser une harmonisation vers le haut ? Je m'adresse au directeur général de l'OIT : la France ne peut pas accepter que les huit conventions de l'OIT sur les droits fondamentaux du travail ne soient pas ratifiées par tous les membres du G20, qui sont par ailleurs pour le plupart membres de l'OIT.

 

Je voudrais insister sur ce point. Si un pays est membre d'une organisation, car personne n'est obligé d'être membre de l'OIT, et que l'OIT fixe huit normes comme socle minimum de protection sociale, comment comprendre que ces huit normes ne soient pas ratifiées par ces paus? Je demande au directeur général de l'OIT d'assurer une grande publicité sur ces normes de l'OIT et sur l'application de ces normes. Ce n'est pas un modèle social unique, c'est un socle social minimum.

 

Ces normes, ce sont par exemple l'interdiction du travail des enfants, du travail des prisonniers. Certains pourraient penser que ce n'est pas assez ambitieux, mais rendez-vous compte, c'est un minimum ! Et maintenant que l'OIT participe au G20, ce que la France a défendu, je souhaite que cette question soit clairement posée à la face du monde. Qui applique les huit normes ? Qui ratifie la convention ? Et qui peut être contre ça ? Personne. Bien sûr il faut mettre de l'énergie à lutter contre la tentation du protectionnisme, parce ce n'est pas la solution, mais mettons la même énergie à lutter pour l'application des huit normes minimum. A ce moment-là, les citoyens du monde comprendront que la mondialisation peut être un progrès.


Je voudrais terminer en vous disant qu'il serait contre-productif de retomber dans les vieux débats qui voudraient opposer dimension économique et dimension sociale de la mondialisation. Chacune a besoin de l'autre. Je ne suis pas naïf,  nous ne ferons pas tout en un jour. La présidence française a ainsi pu s'appuyer sur les travaux des sommets de Pittsburgh et de Washington. Nous passerons nous-mêmes le relais au Mexique. Nous associerons les partenaires sociaux à la marche du G20, parce que sinon, c'est la légitimité même du G20 qui se trouverait posée. Ce n'est pas une petite affaire. La France a beaucoup fait pour la création du G20 et donc vous ne trouverez aucune critique du G20 dans ma bouche. C'est formidable d'avoir un G20 des chefs d'entreprises, mais les partenaires sociaux doivent être associés aux travaux du G20.

Le fait que, depuis Pittsburgh, les partenaires sociaux, patronats et syndicats, participent aux discussions du G20 consacrés aux enjeux sociaux constitue à mes yeux une avancée considérable. Mais maintenant que vous êtes face à face, ou côte à côte, il faut que cela produise des résultats.

 

La conférence qui nous réunit aujourd'hui est importante à ce titre. Pour la première fois des ministres du travail et des représentants des partenaires sociaux vont dialoguer avec les dirigeants des grandes organisations internationales pour réfléchir aux moyens de renforcer la dimension sociale de la mondialisation.

Je souhaite que vos débats abordent tous les sujets, pour mieux révéler les obstacles que nous aurons à surmonter. Une mondialisation plus forte, qui profite davantage aux salariés et au progrès social, telle est l'ambitieuse feuille de route qui vous est confiée. Je serai très attentif aux propositions que vous formulerez, comme le seront les peuples du monde entier.

Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est impossible ! C'est simplement difficile, mais si ce n'était pas difficile, d'autres s'en seraient occupés avant nous. Mais si vous ne vous en occupez pas, alors nous serons dans une situation qui, elle, risque de devenir absolument incontrôlable. C'est ça l'enjeu. Chacun a ses idées, chacun a ses contraintes, c'est difficile pour tout le monde, mais en se parlant, en se rencontrant, en élaborant des stratégies, je crois qu'on peut crédibiliser cette idée : progrès économique et progrès social vont de pair. Ils ne sont pas antinomiques.

 

Faisons un effort les uns envers les autres, sortons des postures habituelles, les libres échangistes sans cœur ou les généreux sans vision. Nous sommes au XXIème siècle qui sera le siècle où on tournera le dos aux idéologies, ces idéologies qui ont fait tant de mal au XXème siècle. Soyons pragmatiques et soyons convaincus que le maximum des citoyens du monde doivent profiter des progrès économiques générés par la mondialisation. C'est la seule voie possible pour nous et ce sera l'ambition de la présidence française.

Je vous remercie.

 

Nicolas Sarkozy 

 

 

A voir aussi: 4 ans d'action: mai 2007- mai 2011 :  http://marcdhere.over-blog.com/article-quatre-ans-d-action-mai-2007-mai-2011-73916545.html

 

 

 

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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 08:53

 

 

 

M. KLAUS SCHWAB - Monsieur le Président, c'est à la fois un plaisir et un privilège pour nous de vous accueillir à Davos pour la deuxième année consécutive. J'avais souligné l'année dernière votre dynamisme et votre capacité d'innovation. Ces deux qualités sont plus que jamais nécessaires pour résoudre les problèmes et relever les défis du monde contemporain. Je pourrais ajouter une troisième qualité, une volonté sans faille de faire entendre la voix de la France dans le concert des nations, de la voir s'impliquer davantage dans les enceintes multilatérales dont le World Economic Forum est un exemple.

 

Vous avez dit l'année dernière que vous reviendriez à Davos. Monsieur le Président, vous avez tenu parole. Mais c'est aussi et surtout en président du G8 et du G20 que nous vous accueillons aujourd'hui. C'est une tâche immense qui vous attend et comme vous l'avez souligné lundi à Paris, lors de votre conférence de presse, les défis ne manquent pas. Vous avez cependant choisi -- et vous nous l'expliquerez dans un instant -- de vous concentrer sur quelques sujets qui nous préoccupent beaucoup ici, par exemple les déséquilibres monétaires, la question de la volatilité des matières premières, la question de la réforme de la gouvernance mondiale. Sachez que vous pouvez compter sur l'ensemble des participants à ce sommet à Davos et l'ensemble des communautés du World Economic Forum pour alimenter votre réflexion et les débats afin de trouver des solutions concrètes et innovantes. Et c'est dans cet esprit que le World Economic Forum, avec la Chambre du Commerce International et en coopération avec les organisations patronales, est à votre disposition.

 

Monsieur le Président, cette séance sera divisée en deux. Vous allez d'abord nous expliquer, vous allez introduire votre politique et en deuxième partie, on va introduire un vrai dialogue, comme c'est la tradition à Davos, un vrai dialogue modéré par M. Maurice LEVY qui est un membre du conseil de fondation du World Economic Forum avec certaines personnalités de l'audience et le Président. Ce dialogue sera lié aux priorités que vous, Monsieur le Président, avez décrites lors de votre présentation lundi dernier pour la Présidence française du G8 et du G20.

Encore une fois, merci d'avoir aussi spontanément répondu à notre invitation. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui, Monsieur le Président de la République.

 

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE-- Cher Professeur SCHWAB, merci de m'avoir fait l'honneur de m'inviter, cher Maurice LEVY, merci de donner de la France une image si internationale.

 

Mesdames et Messieurs, j'avais promis de revenir, franchement, ce n'est pas la promesse la plus difficile à tenir, spécialement par ce ciel magnifique et ce soleil exceptionnel.

 

C'est surtout pour moi extrêmement important parce qu'il y a ici des intervenants économiques et financiers du monde entier et j'ai un message à leur faire passer. Les problèmes que nous avons à résoudre sont si difficiles, si complexes, si multiples que nous devons absolument nous abstenir de tout malentendu ou de toute réaction idéologique. Je dirais même que nous devons nous abstenir de réagir, les uns et les autres, en fonction des grilles de lecture idéologiques du siècle précédent. Les choses ont changé. Essayons de nous concentrer de façon pragmatique sur les faits. Essayons d'apporter des idées nouvelles face à des problèmes d'une ampleur et d'une complexité jamais égalées. Essayons, ces solutions, de les imaginer ensemble car nul, ici ou à la table du G20, ne peut penser résoudre seul les questions qui se trouvent posées. Pardon de le dire, ce n'est pas une formule de politesse, c'est une vraie conviction.

 

J'ai lu dans la presse du monde entier, comme c'est mon devoir, les positions des uns et des autres. Je les comprends, mais laissons de côté les réactions épidermiques, par exemple entre l'Europe et le monde anglo-saxon, entre les pays du Sud et les pays du Nord, entre les pays dits pauvres et les pays dits riches. Essayons de regarder les choses différemment.

 

La deuxième remarque liminaire que je voudrais me permettre de présenter, c'est que l'année dernière, j'avais parlé très librement puisque je parlais en tant que président de la République française. Et naturellement, ma parole en tant que président du G8 et président du G20 sera tout aussi libre, mais elle doit tenir compte, cette parole, des lignes rouges, des intérêts des uns et des autres. L'objectif de la présidence française, c'est d'essayer de faire converger des intervenants mondiaux qui doivent apprendre à se parler et à se comprendre. Donc tout ce que je dois dire et tout ce que je dois mettre en œuvre doit être mis en œuvre au service de cet intérêt collectif.

 

Troisième remarque, l'année dernière nous sortions d'une crise sans précédents et les prévisions étaient extrêmement pessimistes pour l'année 2010. Essayons calmement de regarder la comparaison entre les prévisions et ce qui s'est passé. Ce n'est pas pour être cruel pour les prévisionnistes, ils ont un travail difficile à faire et ils ont mis d'ailleurs quelque chose d'assez fantastique, hommage soit rendu à leur habileté, ils révisent leurs prévisions. J'aimerais tellement pouvoir réviser nos engagements. C'est-à-dire que pour l'année 2010, les prévisionnistes révisent leurs prévisions jusqu'au mois de novembre 2010. Ouf ! On a eu chaud, parce que si c'était pour les réviser au mois de décembre, ce n'est pas la peine, on a les résultats.

 

En 2010, on nous annonçait le pire : un scénario économique en W. Le résultat, c'est une croissance mondiale aux alentours de 5%. Je regardais les chiffres, sur les dix dernières années, la moyenne de la croissance mondiale a été à 3,5%. Loin de moi l'idée de dire qu'on en est sorti, il y a trop de chômage, beaucoup trop de chômage, les jeunes, les quinquagénaires. Il y a encore des risques considérables, mais quand même, presque 5% de croissance dans le monde entier ; certes, une croissance inégalement répartie, mais enfin quand même. Les organismes les plus sérieux imaginaient une année 2010 mauvaise et pour les plus optimistes, maussade. La réalité n'est pas celle-ci.

 

Et dans le fond, je ne peux m'empêcher de me dire que la coordination des politiques économiques, financières mises en place par le G20, qui n'existait pas il y a deux ans, aujourd'hui, tout le monde parle du G20, c'est l'instance internationale la plus neuve. Cette coordination a fait que 20 pays -- en vérité 25 puisqu'il y a 5 invités -- coordonnant leur politique et représentant 85% du PIB mondial, cette coordination, elle était vitale. C'est cette coordination qui a permis d'éviter que la crise se prolonge. Et donc c'est cette coordination qu'il faut approfondir, qu'il faut protéger, qu'il faut préserver et sur laquelle il convient de travailler.

 

Quatrième remarque, sur les deux dernières années, enfin disons un an et demi, les travaux du G20 -- je vais peut-être prendre une expression qui va vous choquer -- mais ils étaient assez faciles. On n'avait pas le choix, on n'avait pas le choix parce qu'on était au bord du précipice. Soit on prenait des décisions, soit tout s'écroulait. C'est maintenant que ça devient plus difficile parce que certains peuvent s'imaginer qu'on a le choix. Ce n'est pas mon opinion, je m'en expliquerai avec vous si vous le voulez bien, mais c'est là où il y a les risques car la légitimité du G20 dépend exclusivement de la capacité du même G20 à prendre des décisions. Un G20 qui ne prendrait pas de décision, c'est un G20 qui deviendrait illégitime. Et certains, de bonne foi, peuvent s'imaginer que le plus gros de la crise est passé et que ça peut continuer comme avant. Je m'inscris en opposition totale avec cette vision qui me semble très dangereuse pour le monde.

 

Mais le souffle de la crise étant moins chaud aux oreilles de certains, ils peuvent être tentés d'aller moins vite, de prendre moins de décisions et de penser que les choses s'arrangeront naturellement.

 

Enfin, dernière remarque, nous identifions trois grands risques pour l'année 2011, même si nous sommes beaucoup plus optimistes.

Le premier risque, c'est la question des dettes souveraines. Il faut réduire les déficits et faire les réformes. Le monde ne peut pas continuer à aligner une addition de dettes abyssales sans se préoccuper des déséquilibres que cela engendre et j'y reviendrai si vous avez des questions à me poser.

Le deuxième risque, ce sont les déséquilibres monétaires et financiers qui ont été multipliés par cinq ces dernières années et qui, un jour, seront sanctionnés d'une manière ou d'une autre si on n'y porte pas une attention très forte. Pour faire simple, le contexte des puissances économiques a considérablement changé et le système monétaire international fait comme s'il n'avait pas besoin de s'adapter à une nouvelle réalité économique. En vérité, depuis 1971, nous vivons sans système monétaire international. Est-ce que c'est bon pour les chefs d'entreprises ? Est-ce que c'est bon pour la croissance ? Est-ce que c'est un risque ? La France le pense et nous en débattrons.

 

Enfin, troisième sujet sur lequel, bien-sûr, je souhaite m'expliquer, ce sont les risques, pour l'inflation et pour la croissance, de l'explosion du prix des matières premières, de la volatilité extrême du prix des matières premières. On avait déjà vu, il y a un an, le pétrole passer en 6 mois de 140 dollars le baril à 40. Et ce n'est l'intérêt de personne que de voir dans le monde de nouveau des émeutes de la faim parce que les gens les plus pauvres ne pourront pas se nourrir. Et ce n'est même pas l'intérêt des pays producteurs de matières premières, qu'elles soient agricoles ou fossiles.

 

C'est donc l'agenda que nous avons déterminé et je vois bien les risques, mais pour moi il y a moins de risques à parler de vrais sujets qu'à passer un an à dialoguer de tout sauf de ce qui est important. Et je ne fais, en disant cela, qu'appliquer les règles que dans vos entreprises, vous appliquez au quotidien. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer les vraies questions qui posent problèmes pour l'avenir économique du monde. Nous ne pouvons pas le faire. Et c'est avec cette conviction que la France essayera d'organiser une présidence utile du G8 comme du G20. Je ne veux pas être trop long donc je répondrai à vos questions avec le plus de franchise qu'il m'est permis.

 

Nicolas Sarkozy

 

 

PS: Réponse à une première question:

 

  

QUESTION -- Monsieur le Président, merci pour cet exposé. Si je peux suivre tout de suite avec une question, vous avez mentionné qu'il y a maintenant une croissance mondiale autour de 5%, on remarque beaucoup d'optimisme de nouveau. Est-ce que ça ne rend pas votre tâche beaucoup plus difficile parce que vous avez-vous-même mentionné que si on est dos au mur, il est facile d'agir et de coordonner mais maintenant, il faut vraiment construire l'avenir, pas seulement combattre la crise mais construire l'avenir. Dans ces circonstances, est-ce que vous voyez vraiment la volonté de vos partenaires d'être associé à cette tâche énorme que vous allez entreprendre ?

 

LE PRESIDENT -- Écoutez, nous sommes au XXIe siècle depuis bientôt 11 années et nous continuons à décliner une organisation du XXe siècle. Je peux multiplier les exemples. J'ai toujours considéré comme profondément déraisonnable qu'il n'y ait pas un seul pays africain membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Un milliard d'habitants. Dans 30 ans, 2 milliards d'habitants. C'est l'organisation du XXe siècle, pas du XXIe. Je considère comme profondément déraisonnable que le continent sud-américain, à l'explosion économique et démographique salutaire, près de 500 millions d'habitants, n'ait pas un membre permanent du Conseil de sécurité. Et que dire de l'Inde ? Dans 20 ou dans 30 ans, le premier pays du monde par la démographie qui n'est pas non plus membre permanent du Conseil de sécurité, comme le Brésil, comme l'Afrique du Sud, comme le Mexique. Tout ceci n'a pas de sens.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Bretton Woods près de New York, une année de réunions, une année de réunions pour mettre en place un système monétaire. Il y avait à l'époque une seule économie, ce n'est faire injure à personne, l'économie américaine. Et donc, une seule monnaie, le dollar. Qui, ici, peut se lever pour dire que la situation du monde en 2011 a quelques rapports avec la situation du monde en 1945 ? Qui peut le dire ? Qui osera le dire ?

Je le dis pour nos amis d'outre-Atlantique et vous savez combien je suis attaché au partenariat et à l'amitié avec les Etats-Unis d'Amérique : personne ne veut affaiblir le dollar et le monde a besoin du dollar, le dollar est, le dollar restera la première monnaie du monde. 62% des réserves mondiales sont libellées en dollar, 82% des échanges commerciaux sont libellés en dollar. Mais je voudrais poser une question : monnaie prédominante signifie t-il monnaie unique ? Considérez-vous, vous qui êtes tellement ouverts sur le monde, que le yuan n'a pas d'importance ? Que le yuan n'existe pas ? Et n'est t-il pas normal que chacun -- je pense aux Japonais, je pense aux Chinois, je pense aux Américains -- agisse en matière monétaire de façon souvent unilatérale ? Qui peut leur reprocher qu'il n'y a pas de système multilatéral ? Qui peut leur reprocher ?

Il n'y a même pas un endroit, figurez-vous, où l'on parle monnaie. Le seul endroit où l'on parlait de monnaie -- je ne parle pas des banquiers centraux, mais la monnaie n'est pas simplement un enjeu économique, il est aussi au vrai sens du terme un enjeu politique, un enjeu commercial --, le seul endroit où l'on parlait de monnaie depuis 1975, c'est le G7 devenu G8. Il se trouve que je conteste la légitimité du G7 devenu G8 à parler monnaie pour une raison simple : c'est qu'au G8, il n'y a pas Chine. Comment peut-on dire à la Chine : « attention à vos excédents, attention à la valeur de votre monnaie », alors même qu'ils ne sont pas présents dans la seule enceinte où on discute de monnaie. Je parle sous le contrôle de Christine LAGARDE, qui participe aux travaux G8 des ministres des Finances, avec le talent qu'on lui connait. Ca n'a pas des sens. Les DTS, je crois, ont été crées il y a quelques décennies -- je pense que ça doit faire 40 ans ou 42 ans, je ne veux pas dire de bêtises, mais à mon avis c'est 42 ans -, les DTS sont un panier de monnaies. Y a-t-il le yuan dans ce panier de monnaies ? Non. Est-ce que l'on doit continuer comme cela ?

Depuis 1990, le monde a connu 42 crises de fuites de capitaux, c'est-à-dire qu'à 42 reprises depuis1990, des pays se sont littéralement vidés de leurs capitaux. On ne fait rien ? Ca ne nous intéresse pas ? Tout va bien ? Pour faire face à ce risque, les mêmes pays accumulent des réserves à des coûts faramineux. On ne fait rien ? On continue comme ça ? Et regardez Séoul, où nous amis Coréens qui ont très remarquablement présidé le G20, dans un terme d'image, l'incompréhension médiatique, en tout cas, entre les deux géants que sont les Etats-Unis et la Chine. C'était bon pour le climat des affaires dans le monde ou c'était mauvais ? Il faut continuer comme ça ? On va continuer à se reprocher les excédents des uns, les déficits des autres ? Et à l'arrivée, qu'est-ce que cela donne en termes de solutions ? J'ajoute d'ailleurs que comment reprocher à un pays de vouloir tellement exporter alors que tous nous voulons le faire ?

Donc, Professeur SCHWAB, moi, je parie sur la bonne volonté et sur l'intelligence de mes collègues qui comprennent parfaitement que les déséquilibres et leur poursuite pénaliseront chacun. Et que chacun doit faire un pas l'un vers l'autre pour définir l'architecture mondiale du XXIe siècle. Je suis calme, je sais bien que l'on ne va pas définir un nouveau système monétaire international en un an, mais posons les bases. Personne ne veut revenir aux taux de change fixe, cela va de soi, mais discutons de ces questions, apportons des réponses à ces questions, arrêtons avec l'instabilité. Vous avez besoin de stabilité. Comment pouvez-vous avoir de la stabilité s'il n'y a pas un cadre ?

Donc, Professeur, c'est plus difficile, c'est vrai, mais c'est tout aussi indispensable. Et je crois qu'en prenant les sujets de cette façon, on mettra chacun en situation de construire pour l'avenir. Si chacun d'entre nous se reproche ce qu'il a à reprocher à l'autre, on restera immobiles et tout le monde s'en trouvera pénalisé. Il faut voir -- et je termine par cela -- ce que c'est qu'un G20. Un G20, c'est entre 8 000 et 10 000 journalistes sur deux jours. Est-ce que c'est raisonnable de se retrouver deux jours avec 10 000, journalistes pour discuter de sujets périphériques et apporter des réponses, elles aussi, périphériques ? Cela fait bien longtemps que je sais que c'est dans l'œil du cyclone que la situation est la plus calme.

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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 14:00

 

Claude Imbert dans Le Point du 18 11 2010...

 

Que le monde nouveau soit " globalisé " et que la mondialisation s'impose,pour le meilleur ou pour le pire, à tous les Etats de la planète, fait innocemment rêver d'une gouvernance mondiale. Franchement, elle n'est pas pour demain ! Ce sommet à Séoul des 20 pays les plus riches de la planète ne laisse qu'une photo protocolaire. Et pour seul résultat tangible celui d'exister. On s'y parle mais encore pour ne rien dire.

 

Sarkozy, qui le préside pour l'avoir accouché dans le premier feu de la crise, n'attendait rien de ce lever de rideau. Il compte sur l'avenir pour déminer le conflit monétaire qui couve entre la Chine et les Etats-Unis et dont l'euro subit les remous. Un tel succès serait déjà appréciable, mais il n'est nullement garanti. Car Sarkozy n'a pour atouts que son énergie et l'entregent du " petit télégraphiste ".

 

Méfions-nous de l'équivoque mondialiste : si l'économie du monde se globalise, sa géopolitique, tout naturellement, ne cesse et ne cessera de diviser. Ni l'anxiété écologique d'une planète fragilisée dans son climat et qui s'épuise dans ses ressources ni les nouveaux rapports de forces ne suggèrent un quelconque apaisement.

 

Quelle conclusion pour nous autres Français ? Sinon que, avant de prétendre changer le monde, il est urgent de s'y adapter. Et d'y bâtir, avec nos nations, un pôle de puissance respectable et respecté. Nous en sommes loin. L'Europe, seul atout de dimension, garde une économie qui théoriquement le mérite. Mais ses divisions et son conservatisme la paralysent. Et à Séoul l'idée même de l'Europe n'a jamais flotté sur les tapis verts.

 

Bien que la mondialisation ait tout changé, l'Europe et la France plus que quiconque songent toujours à conserver l'assistanat d'un Etat-providence, édifié dans l'après-guerre et qui fit légitimement leur orgueil. Mais n'inventer l'avenir qu'avec un logiciel déclassé ne présage rien de bon.

 

Le fait politique majeur, mais toujours sous-estimé, de l'immense crise financière, c'est qu'elle n'a pas soulevé de révoltes massives contre le système capitaliste. Pourquoi ? Ici, chez les riches, parce que la ruine du plus radical des systèmes alternatifs - le communisme - laisse une trace indélébile. Mais ailleurs, dans le tiers-monde, parce qu'il a délivré des centaines de millions d'hommes de l'absolu dénuement. Et que loin d'y paraître comme l'instrument obligé de la domination occidentale, il permet, entre autres au géant chinois, peu à peu rallié à ses mérites, de damer le pion aux anciens maîtres du monde.

 

Le sommet de Séoul n'envisageait au mieux que la réforme des dérives financières du système, mais il consacrait, en quelque sorte, son établissement planétaire.

Chez nous, soit dit en passant, la gauche réformiste, résolue à s'adapter au monde tel qu'il est, devrait s'en trouver plutôt confortée. Car il devient clair que l'interlocuteur du prolétariat européen, ou de ce qu'il en reste, s'est élargi à l'empire illimité du marché mondial. L'incantation de ceux qui proposent, comme Mitterrand en 1981, une " rupture avec le capitalisme ", ne trouve dans le monde aucun écho. Elle sonne comme " Le temps des cerises " dans un concert pop.

 

Le seul impératif pour nos nations d'Europe dans le grand bazar international, c'est d'abord de ne point renoncer à ce qu'elles sont encore. Celles qui en ont les moyens, à commencer par l'Allemagne et la France, devront ensuite donner le branle à des initiatives européennes nouvelles. Faute de quoi l'Europe, " petit cap d'Asie ", ne cessera de péricliter.

Encore faut-il que nos nations gardent l'étoffe et la vitalité nécessaires. Qu'elles sachent discerner, dans le monde, les vrais ressorts de puissance sans rêvasser à quelque introuvable mondialisme dans l'amour fusionnel du genre humain. Les Etats, monstres froids, n'en ont cure.

 

Le ministère de l'Identité nationale disparaît cette semaine de notre gouvernement. Mais, depuis que fut enterré, chez nous, le débat sur notre identité, elle ressort chaque jour de sa tombe. Elle gémit quand elle ne hurle pas dans toute l'Europe.

Le culte de la sacro-sainte diversité tourne à un multiculturalisme menaçant pour notre République. L'Allemagne de Merkel vient elle-même de le rejeter avec éclat. Ce n'est pas protéger les minorités que de tolérer leur affranchissement de la loi sur des critères ethniques et religieux. C'est une faute que de demander à notre laïcité de tirer sa révérence devant des exhibitions d'identité islamique. C'est freiner une intégration qui ne s'opère que dans et par la loi. Il y a lieu de s'inquiéter lorsque le maire de Sarcelles déclare : " Casser les ghettos, c'est trop tard ! La France se communautarise, qu'on le veuille ou non... " Le ciel nous préserve de jeter ainsi le manche après la cognée !

 

Le monde nouveau n'est pas devenu une mer d'huile par la grâce du marché. Il reste un océan tumultueux où seules les nations fortes pourront naviguer en paix.

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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 07:33

 

Par Emmanuel Dupuy...

 

Le Président de la République, en participant en septembre, au Sommet de l’ONU célébrant le 10ème anniversaire des Objectifs du Millénaire pour le Développement a démontré avec une vive détermination l’urgente mobilisation à laquelle doit s’atteler la communauté internationale pour que les 8 objectifs fixés soient réalisés à l’horizon 2015.

Rappelons que ces derniers sont ambitieux quoique réalisables :
1. Eliminer l'extrême pauvreté et la faim ;
2. Assurer l'éducation primaire pour tous ;
3. Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes ;
4. Réduire la mortalité infantile ;
5. Améliorer la santé maternelle ;
6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies ;
7. Assurer un environnement durable ;
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

En prononçant ce discours (publié sur ce blog voir : http://marcdhere.over-blog.com/article-nicolas-sarkozy-a-l-onu-58068619.html ) devant les 150 chefs d’Etats et de Gouvernement, la France entendait aussi mettre en exergue les facteurs positifs des politiques menées en faveur du développement à quelques mois de sa Présidence semestrielle du G-8 / G-20.

Il importait surtout de démontrer que le passage d’une logique du G8 (réunissant les 8 économies « occidentales » les plus dynamiques) à une logique de G20 (prenant en considération les puissances émergentes, notamment celles venues du Sud), confirme la pratique d’une co-gestion avec ces nouveaux acteurs sur la scène internationale, et ce, pour envisager les grandes questions géopolitiques et géo-économiques du moment et de demain.

Le Président de la République aura ainsi clairement rappelé que la France était pleinement mobilisée pour la réalisation de ces ambitieux Objectifs du Millénaire. Rappelons que notre pays demeure le 2ème donneur d'aide avec 10 milliards d'euros d'aide publique au développement (APD). A lui seul, notre pays représente 10% de l'APD et malgré la crise, Paris a augmenté - depuis 2007 - son APD de 20%.
Le Président a, en outre, annoncé lui-même, l'augmentation de 20% de la contribution française au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour les trois prochaines années (2011 -- 2013).
Sur la question des financements des Objectifs du Millénaire, le Président a rappelé que la France avait joué un rôle pionnier pour trouver des modes de financements innovants. Il a, en outre, appelé les Nations Unies à franchir une étape importante en créant une taxe universelle sur les transactions financières, ouvrant par là-même, le vaste chantier attendu d’une nouvelle gouvernance internationale plus solidaire.
Comment peut-il en être autrement, alors que le Conseil de Sécurité de l’ONU actuel ne représentera qu’un sixième de la population mondiale en 2050 ?

Comment, en effet, peut-on priver de droit de parole des milliards d’habitants ?

Le cas du continent africain, est en lui un exemple hélas caricatural de cette « asymétrie » géopolitique. 80% des décisions qui sont traités au sein du Conseil de sécurité le concerne directement !
Le moment y est, du reste, propice :

Au moment où nous fêtons le 50ème anniversaire des indépendances africaines ;

Au moment où se structurent un certain nombre de projets diplomatiques d’envergure d’essence sub-régionale - autour notamment de l’espace méditerranéen ;

Au moment où le Président de la République à manifesté sa constante détermination et ferme volonté de faire entendre la voix européenne dans une même et unique direction ;

Au moment où l’Europe a vocation à s’inscrire dans de nouveaux partenariats stratégiques qui la rendrait nettement plus audible et crédible auprès des citoyens des Etats membres, en oeuvrant, autant à la cohésion de ses engagements transatlantiques que de son patrimoine historique et géographique eurasiatique.

Il convenait ainsi de rappeler que la France n’est jamais aussi attendue et entendue que quand elle sait trouver les mots justes, et parler avec un langage clair et audible, empreint de Raison et d’Universalisme.

Reste l’urgente nécessité de sa mise en pratique concrète


Emmanuel DUPUY

 

 

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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 12:32

 

Malgré sa grande qualité et son intérêt, le discours de Nicolas Sarkozy, à l'ONU il y a 10 jours a été ignoré par les médias, plus intéressés par les petites polémiques franco-françaises...Je publie à nouveau ce discours..

 

 

New York -- Lundi 20 septembre 2010

 

Mesdames et Messieurs les Chefs de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Président de l'Assemblée Générale,


Il y a dix ans, le monde décidait de réduire de moitié l'extrême pauvreté ; d'assurer l'éducation de tous les enfants ; de réduire des deux tiers la mortalité des enfants ; d'améliorer la santé maternelle ; de combattre le sida et le paludisme, et de promouvoir l'égalité des sexes.

C'était il y a dix ans. Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais le chemin qu'il reste à accomplir est encore immense. Nous avons cinq ans pour remplir nos objectifs.
Depuis deux ans, le monde a connu une crise économique sans précédent. La question qui se pose : est-ce que nous allons prendre prétexte de la crise pour faire moins ou est-ce qu'au contraire dans un sursaut nécessaire, nous allons être au rendez-vous de nos promesses ?
La France a décidé de se mobiliser. Nous sommes le deuxième donneur d'aide publique mondial : 10 milliards d'euros par an.

Et nous avons pris la décision, alors que nous sommes le deuxième contributeur au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous avons décidé d'augmenter notre contribution de 20 % au cours des trois prochaines années. Non seulement nous ne voulons pas réduire, non seulement nous ne voulons pas stabiliser, nous allons augmenter de 20%.

La crise est sévère chez les pays riches, elle crée du déficit. Mais la crise a des conséquences bien pires pour les pays pauvres. Nous n'avons pas le droit de faire moins. Et la décision que nous prenons, nous souhaitons que l'ensemble des pays développés décident de faire davantage et naturellement de faire en priorité pour l'Afrique.

Le paludisme tue chaque année 1 million d'enfants en Afrique. Pour parler clair, avant la fin de mon discours, 30 enfants en Afrique seront morts du paludisme. Nous n'avons pas le droit de nous abriter derrière la crise économique pour faire moins !

Le Fonds prend en charge 2,5 millions de malades du Sida. Si chaque pays suit notre exemple, c'est 4 millions de malades du Sida qui pourront être pris en charge. La question n'est pas de faire des discours, la question c'est de décider.

Je souhaite également vous faire partager cette conviction que nous n'y arriverons pas avec les seuls fonds publics, que nous devons associer le secteur privé.

Par ailleurs, en tant que Président futur du G20 et du G8, je me rendrai au Sommet de l'Union africaine fin janvier à Addis Abeba et j'essayerai, pendant l'année de ma présidence du G20 et du G8, de promouvoir l'idée des financements innovants défendue par Bernard KOUCHNER.

Je veux dire ma conviction qu'alors que tous les pays développés sont en déficit, il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la lutte contre la pauvreté, pour l'éducation et pour la résolution des grands problèmes sanitaires de l'Afrique.
Les financements innovants, la taxation des transactions financières, nous pouvons le décider, ici. Pourquoi attendre ? La finance s'est mondialisée. Au nom de quoi nous ne demanderions pas à la finance de participer à la stabilisation du monde en prélevant sur chaque échange financier une taxation infime ?

A Copenhague, nous tous nous avons pris des engagements : 30 milliards de dollars par an sur le fast start, 100 milliards pour le développement. Nous ne serons pas au rendez-vous s'il n'y a pas une avancée majeure sur les financements innovants. En tant que future Présidence du G20 et du G8, nous nous battrons pour développer cette idée. Elle est essentielle et c'est notre crédibilité qui est en jeu.

J'ajoute pour terminer, une nouvelle fois : tenir nos engagements pour le financement pour le développement, imaginer des financements innovants, faire toute sa place à l'Afrique notamment, dans la nouvelle gouvernance mondiale. Je ne me lasserai pas de le répéter du haut de cette tribune, nous sommes au XXIème siècle, nous ne pouvons pas continuer avec la gouvernance du XXème siècle. L'année qui vient, c'est l'année de tous les changements possibles. Vous êtes les chefs d'Etat et de Gouvernement du monde. Après la crise, ne retombons pas dans les mauvaises habitudes et dans le train-train quotidien.

Cette année qui vient doit être celle des grands changements. Vous l'avez compris, la France souhaite y participer non pas bien sûr pour faire des discours, non pas bien sûr pour donner des leçons mais pour entraîner le monde entier vers une nouvelle gouvernance mondiale, vers une plus grande solidarité et vers l'émergence de financements innovants. A cette condition-là, nous serons crus et respectés par l'ensemble des peuples du monde.

Je vous remercie.

Nicolas Sarkozy

  

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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 12:43

 

New York -- Lundi 20 septembre 2010

 

Mesdames et Messieurs les Chefs de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Président de l'Assemblée Générale,


Il y a dix ans, le monde décidait de réduire de moitié l'extrême pauvreté ; d'assurer l'éducation de tous les enfants ; de réduire des deux tiers la mortalité des enfants ; d'améliorer la santé maternelle ; de combattre le sida et le paludisme, et de promouvoir l'égalité des sexes.

C'était il y a dix ans. Beaucoup de progrès ont été réalisés, mais le chemin qu'il reste à accomplir est encore immense. Nous avons cinq ans pour remplir nos objectifs.
Depuis deux ans, le monde a connu une crise économique sans précédent. La question qui se pose : est-ce que nous allons prendre prétexte de la crise pour faire moins ou est-ce qu'au contraire dans un sursaut nécessaire, nous allons être au rendez-vous de nos promesses ?
La France a décidé de se mobiliser. Nous sommes le deuxième donneur d'aide publique mondial : 10 milliards d'euros par an.

Et nous avons pris la décision, alors que nous sommes le deuxième contributeur au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous avons décidé d'augmenter notre contribution de 20 % au cours des trois prochaines années. Non seulement nous ne voulons pas réduire, non seulement nous ne voulons pas stabiliser, nous allons augmenter de 20%.

La crise est sévère chez les pays riches, elle crée du déficit. Mais la crise a des conséquences bien pires pour les pays pauvres. Nous n'avons pas le droit de faire moins. Et la décision que nous prenons, nous souhaitons que l'ensemble des pays développés décident de faire davantage et naturellement de faire en priorité pour l'Afrique.

Le paludisme tue chaque année 1 million d'enfants en Afrique. Pour parler clair, avant la fin de mon discours, 30 enfants en Afrique seront morts du paludisme. Nous n'avons pas le droit de nous abriter derrière la crise économique pour faire moins !

Le Fonds prend en charge 2,5 millions de malades du Sida. Si chaque pays suit notre exemple, c'est 4 millions de malades du Sida qui pourront être pris en charge. La question n'est pas de faire des discours, la question c'est de décider.

Je souhaite également vous faire partager cette conviction que nous n'y arriverons pas avec les seuls fonds publics, que nous devons associer le secteur privé.

Par ailleurs, en tant que Président futur du G20 et du G8, je me rendrai au Sommet de l'Union africaine fin janvier à Addis Abeba et j'essayerai, pendant l'année de ma présidence du G20 et du G8, de promouvoir l'idée des financements innovants défendue par Bernard KOUCHNER.

Je veux dire ma conviction qu'alors que tous les pays développés sont en déficit, il faut trouver de nouvelles sources de financement pour la lutte contre la pauvreté, pour l'éducation et pour la résolution des grands problèmes sanitaires de l'Afrique.
Les financements innovants, la taxation des transactions financières, nous pouvons le décider, ici. Pourquoi attendre ? La finance s'est mondialisée. Au nom de quoi nous ne demanderions pas à la finance de participer à la stabilisation du monde en prélevant sur chaque échange financier une taxation infime ?

A Copenhague, nous tous nous avons pris des engagements : 30 milliards de dollars par an sur le fast start, 100 milliards pour le développement. Nous ne serons pas au rendez-vous s'il n'y a pas une avancée majeure sur les financements innovants. En tant que future Présidence du G20 et du G8, nous nous battrons pour développer cette idée. Elle est essentielle et c'est notre crédibilité qui est en jeu.

J'ajoute pour terminer, une nouvelle fois : tenir nos engagements pour le financement pour le développement, imaginer des financements innovants, faire toute sa place à l'Afrique notamment, dans la nouvelle gouvernance mondiale. Je ne me lasserai pas de le répéter du haut de cette tribune, nous sommes au XXIème siècle, nous ne pouvons pas continuer avec la gouvernance du XXème siècle. L'année qui vient, c'est l'année de tous les changements possibles. Vous êtes les chefs d'Etat et de Gouvernement du monde. Après la crise, ne retombons pas dans les mauvaises habitudes et dans le train-train quotidien.

Cette année qui vient doit être celle des grands changements. Vous l'avez compris, la France souhaite y participer non pas bien sûr pour faire des discours, non pas bien sûr pour donner des leçons mais pour entraîner le monde entier vers une nouvelle gouvernance mondiale, vers une plus grande solidarité et vers l'émergence de financements innovants. A cette condition-là, nous serons crus et respectés par l'ensemble des peuples du monde.

Je vous remercie.

Nicolas Sarkozy

 

 

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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 20:50

 

Par Elie Arié...

 

Et si ce nouveau monde, qui ne nous convient pas, convenait en réalité à la majorité des pays de la planète bien davantage que l'ancien?

Et si nous n'étions, en somme, qu'un pays qui, derrière un langage de gauche, ne défend plus que les avantages menacés de son ancien « régime spécial », en se foutant pas mal de celui des autres (à l'image de ceux qui bénéficient pour encore quelques années d'un régime spécial de retraites) ?

Et si, alors que nous dénonçons l'individualisme des privilégiés, nous n’étions qu'un pays qui défend ses privilèges de façon très individualiste?

Et si la mondialisation était une nuit du 4 Août planétaire dont nous sommes les victimes en tant qu'anciens privilégiés qui se sont fort bien accommodés, pendant des siècles, de la misère des milliards d'êtres humains (Chinois, Indiens, Brésiliens, etc.) qui y voient enfin un moyen de s'en sortir - à nos dépens ?

Ce ne sont pas « quelques privilégiés chinois » qui sont sortis de la misère, mais quelques centaines de millions, et autant en Inde, et quelques dizaines de millions en Asie du Sud-Est, au Brésil, etc. Et tout cela, en 20 ans.

 

La création d'une classe moyenne est toujours la première étape indispensable au démarrage économique d'un pays ; mais ce n'est qu'une première étape. Qu'était le Japon il y a soixante ans?

Et tous les économistes sont d'accord pour dire que l'ensemble des Chinois (et des Indiens, et des Brésiliens, etc.) en profiteront un jour (plus ou moins équitablement, suivant leur système politique –et ceux qui vivent de l’agriculture étant, comme partout, les derniers et les plus mal servis –mais, avec le développement économique, leur nombre est appelé à diminuer ), que les salaires moyens chinois (et indiens, et brésiliens, etc.) ne resteront pas éternellement ce qu'ils sont et qu'ils sont appelés un jour à augmenter (d'ailleurs, en Chine, ils augmentent déjà un peu, il y a déjà des grèves).

Bien sûr, le jour où leurs salaires auront rattrapé les nôtres, ces pays perdront leur avantage compétitif ; mais, compte tenu des milliards d’individus concernés, ce jour est encore lointain : d’ici là, ils se seront beaucoup enrichis, et nous, beaucoup appauvris.

 

Seulement, voilà : ceux qui frappent à la porte de la prospérité que nous connaissons (collectivement) depuis longtemps sont infiniment plus nombreux que nous ; certains d’entre nous rêvent d’un nouveau 1789 (pas tous : Jean-François Copé parle d’une « ambiance malsaine de nuit du 4 Août », reconnaissant ainsi qu’il trouverait malsaine une abolition des privilèges...), mais peut-être est-il en train de se produire, que nous sommes les aristos qui iront à la lanterne, et que notre avenir est celui de ces nobles désargentés que personne n’aura l’idée de plaindre, car nous avons trop longtemps vécu de la pauvreté des autres en la trouvant bien triste, mais au fond « naturelle », et sans en perdre le sommeil. 

 

Elie Arié

 

article paru aussi sur Marianne 2 

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