Alain de Vulpian, Club des Vigilants...
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D. Aide directe à des entreprises.
Les entreprises ont éventuellement besoin, au-delà de leurs agents de changement et autres ressources internes, de recevoir de l’aide. Elles ont notamment besoin de quatre types d’appuis :
- (1) des intervenants qui sachent catalyser des changements de vie, de modes opératoires, de façons d’être, de leadership en son sein,
- (2) des conseillers sur la conduite globale de leur révolution socioculturelle,
- (3) des sociologues qui les aident à prendre conscience de la réalité de leur fonctionnement vivant (interne et externe) souvent très différente de ce qu’ils imaginent,
- (4) des visionnaires qui leur apporteraient une perception fine des tendances lourdes et des scénarios d’avenir qu’elles devraient prendre en compte dans l’élaboration de leur stratégie de développement vital sain et durable.
Aujourd’hui, la plupart des grands cabinets de consultants n’ont pas ces compétences. Des réseaux existant ou de nouvelles initiatives peuvent-ils les apporter ? Il est probable que de nouvelles équipes d’intervenants se mettent en place sous forme soit d’entreprises soit d’associations.
Sur le point (1), Une des raisons d’être de SoL est la transformation des comportements, des relations, du management et de la vie dans les entreprises et autres organismes afin de les rendre plus vivants. Sol offre les services d’un réseau d’agents de changement susceptible de conduire une intervention dans une entreprise. Des directions générales ou des responsables intermédiaires d’entreprises internationales se sont récemment adressés à SoL France dans cette perspective. C’est probablement le signe de l’existence d’un besoin auquel il n’est pas actuellement bien répondu. Exemples de demandes : (développer la participation et l’intelligence collective), (faire évoluer les représentations du monde chez les cadres supérieurs), (préciser une nouvelle conception du métier et organiser son implémentation dans la vie de l’entreprise).
Sur le point (2), il y a des consultants en conduite du changement. Certains ont-ils l’expérience d’un changement socioculturel global ? Pourraient-ils se réunir pour tirer les enseignements de leurs expériences ? Sol ou le Club des Vigilants ou d’autres pourraient-ils envisager d’en rechercher et de les mettre en connivence ? Quelles relations développeraient-ils avec les entreprises ?
Sur le point (3), la plupart des spécialistes en sociologie des organisations ont une expérience de recherche universitaire plutôt que managériale. Les sociologues sont rares qui explorent non pas l’organisation elle-même mais les systèmes d’interaction entre des entreprises et leur environnement. Sol ou les Vigilants peuvent envisager d’attirer quelques sociologues. Communiquer cette note à certains d’entre eux pourrait éveiller des vocations d’intervention.
Le point (4) concerne les visions d’avenir qui vont nourrir la stratégie de développement de l’entreprise, l’évolution éventuelle de la conception de son métier et de ses méthodes de production ainsi que sa politique d’innovation produits, services et systèmes. Des entreprises, qui ont été centrées pendant vingt ans sur le très court terme, n’ont plus, si tant est qu’elles les aient jamais eues, les collaborateurs ni les services internes pour ce faire. Elles ont intérêt à appliquer l’intelligence collective de leurs personnels dans la production de ces visions et à se brancher simultanément sur des think tanks qui pressentent les avenirs vraisemblables à 5/15 ans de la planète et de la société. Divers chercheurs, analystes et consultants réfléchissent sur les tendances et les scénarios d'avenir. SoL a organisé deux séances d’information sur des scénarios d’avenir. Société Rêvée communique sa note périodique sur les « Signaux faibles et les tendances lourdes » à un petit cercle de destinataires. Il me semble qu’il existe un réel besoin auquel il n’est pas répondu : mieux pressentir les dynamiques de nos sociétés et de notre monde en devenir, anticiper leurs avenirs vraisemblables et connecter ces perceptions à la gamberge stratégique de l’entreprise concernée.
E. Conduire des recherches inter-entreprises sur des « points clés » de la révolution socioculturelle des entreprises.
Nous manquons de recherches orientées vers l’action qui aideraient des entreprises à mieux conduire leur changement. Quelques exemples :
° La multiplication des socioperceptifs parmi ses collaborateurs et son état-major et le développement organisé de sa capacité socioperceptive semblent des éléments essentiels pour la conduite de la révolution socioculturelle d’une entreprise. Il serait souhaitable que des recherches (anthropologiques, sociologiques et neuro-biologiques) soient poussées sur la socioperception, la capacité humaine à pressentir les devenirs des systèmes vivants. Elles devraient améliorer les réponses à des questions telles que : Comment évaluer et repérer les différents types de socioperceptifs ? Comment aider des humains à développer leur capacité socioperceptive ? Quels organes créer dans une entreprise pour améliorer sa socioperception et son ajustement vital à son environnement ? Quels sont les principales résistances au développement de l’exercice de la socioperception au sein d’une entreprise ? etc.
° La méconnaissance des problèmes que pose dans les années 2010 en Europe le jeu de l’entreprise au sein de son écosystème social est considérable. Où l’entreprise fait-elle du mal, à qui et comment ? Où pourrait-elle faire du bien et comment ? Une exploration de la façon dont se pose le problème pour quelques entreprises serait utile à beaucoup d’autres.
° Une recherche continue portant, dans une diversité d’entreprises, sur l’émergence, le cheminement ou l’épanouissement de leur révolution socioculturelle pourrait produire des enseignements extrêmement utiles pour l’action de ces entreprises et d’autres.
Dans cette perspective, des recherches de terrain conduites (avec les moyens du bord) par nos réseaux ont été utiles mais insuffisantes.
Le Club des Vigilants a réalisé une enquête auprès de dirigeants d’entreprises sur le capitalisme hyper-financier qui a contribué à bien mettre en lumière le basculement vers une nouvelle socio-économie.
Sol a conduit deux programmes de recherche-action. L’un portait sur l’innovation dans les réseaux informels. Le second, qui vient de se terminer, était centré sur l’observation des transformations survenues dans de grandes entreprises au cours des dix dernières années. Il a notamment mis en lumière le rôle de catalyseurs du changement de certains collaborateurs socioperceptifs, humanistes et pragmatiques. Il a contribué à nourrir les analyses précédentes. Les résultats de cette recherche viennent d’être publiés dans les Cahiers de SoL (qui ont été largement diffusés notamment au sein de plusieurs entreprises).
Il est probablement dans la vocation de SoL de conduire de telles recherches. Mais, si l’on souhaite les poursuivre, il faudra pouvoir financer le travail de jeunes chercheurs enquêtant sur le terrain. Où trouver de tels financements ?
L’idée a été envisagée de réunir quelques entreprises partageant les mêmes sensibilités éthiques qui participeraient à un travail de recherche conduit par le Club ou par Sol et contribueraient à le financer.
F. Catalyser des coopératives d’intervention.
Des coopératives d’intervention s’organisent en vue de favoriser des prises de vie, d’atténuer des souffrances sociales ou de dévier des processus pathologiques. Ce sont des émergences spontanées qui facilitent probablement l’entrée d’entreprises dans une interaction saine avec leur écosystème social et dans un processus de révolution socioculturelle. Leur montage est souvent facilité par l’appui d’un catalyseur qui prend l’initiative, vend l’idée et peut éventuellement veiller à l’élaboration et au respect des règles du jeu, au bon fonctionnement de la coopération et au suivi des résultats de l’action. Des associations, des consultants, des fondations, d’anciens dirigeants peuvent jouer ce rôle.
Un sous groupe de consultants et chercheurs de SoL prépare une proposition d’interventions pour aider des entreprises, organisations et des pouvoirs publics locaux à coopérer pour monter des actions thérapeutiques ou de prise de vie.
G. Alimenter la conversation publique.
Les pays d’Occident se complaisent avec tristesse dans leur bonheur passé ou dans leurs douleurs présentes et ruminent un futur de catastrophes alors que la plupart des pays émergents rêvent de leur avenir et agissent pour le construire.
Chez nous, la conversation politique (dans les rues, les médias, sur Internet, dans l’édition, dans les cercles du pouvoir, dans les entreprises, les dîners, les villages et les banlieues) est triste et pauvre. Elle est centrée sur le présent et le court terme : la popularité des dirigeants, les chances des uns et des autres aux prochaines élections, la politique politicienne, l’évolution de la conjoncture, les événements, les scandales, les faits divers, etc. Et, lorsqu’elle évoque l’avenir, c’est surtout sous la forme de catastrophes climatiques, énergétiques, démographiques, géopolitiques ou autres.
Pourtant, lorsqu’on arrive à se brancher sur la réflexion profonde et la méditation des gens ordinaires, on trouve un climat tout différent : nous évoluons bien, nous devenons plus sages, moins guerriers, nos société pourraient évoluer dans de bonnes directions …, mais nos dirigeants ne saisissent pas les opportunités.
Les réseaux et les mouvances de la société des gens peuvent nourrir une transformation du climat de nos conversations publiques qui contribuerait à l’orienter vers les défis majeurs et les développements positifs.
Devenons, à nouveau, une société qui se penche sur son futur et tend à le préparer. Centrer l’attention sur le futur à 10 ou 30 ans. Proposer des images, des scénarios, des théories. Souligner la vraisemblance de scénarios positifs. Ne pas éviter les scénarios négatifs voire catastrophiques mais chercher à découvrir les parades.
Pouvons-nous, voulons-nous intensifier nos présences dans ce domaine ?
Il serait souhaitable que tous les réseaux et mouvances de la société des gens partageant la préoccupation de faciliter l’émergence d’une nouvelle socio-économie plus harmonieuse et de l’évolution socioculturelle des grandes entreprises anciennes soient connectés et connivents. Comment s’y prendre pour les repérer et entamer la conversation ?
Concernant les canaux et méthodes de communication, d’immenses progrès sont à faire. Il faudrait que nous ayons des débouchés de publication, un meilleur branchement sur internet et les blogs et des listes de communication soigneusement construites et bien gérées.
Alain de Vulpian
Club des Vigilants