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Contact: marcdhere.mdh@gmail.com 

 RECONQUÊTE est un  mouvement en construction. Ce n'est pas un parti politique, mais un Cercle de Réflexion et d'Action, ouvert à tous ceux, à quelque parti qu'ils appartiennent, ou sans parti, qui se reconnaissent dans ses valeurs et  principes. La Responsabilité et l'équivalence entre droits et devoirs à tous les niveaux,  le libéralisme économique,  la solidarité,  le choix d'une évolution réaliste et progressive dans le social et le sociétal,  l'Europe... 

 

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 17:14

 

  

L’ économie a été  relancée

 

Président en exercice  de l’Union Européenne au plus fort de la crise bancaire et financière mondiale, Nicolas Sarkozy  a su mobiliser les 27 pour soutenir le secteur bancaire au bord de l’effondrement, procéder à une relance budgétaire coordonnée et répondre ainsi à la crise de confiance des populations qui menaçait de tout emporter.  Pour le plus long terme, il s’est engagé, au sein d’un G20 qu’il a  contribué à revitaliser, dans une action destinée à moraliser et réguler le capitalisme financier.  Même s’ils sont encore limités, les  résultats de cette action sont réels : renforcement des exigences en capital pour les banques, encadrement des bonus des traders, obligations nouvelles imposées aux hedge funds, lutte renforcée contre les paradis fiscaux et limitation des pays recourant au secret bancaire, triplement des fonds du FMI…

Sur le plan intérieur, le Président   a centré sa réponse à la crise  sur la relance rapide et massive de l’investissement utile et du développement des entreprises : plan de relance de l’investissement de 39 milliards d’€,  suivi par le grand emprunt de 35 milliards, la suppression de la taxe professionnelle, le soutien aux PME, la création du statut de l’auto entrepreneur, ont été des mesures positives dans ce sens…Dans le même temps, les mesures prises pour l’indemnisation du chômage partiel afin d’éviter l’explosion des licenciements économiques, l’élargissement des Contrats de Transition Professionnelle, qui assortis d’un accompagnement renforcé facilitant la reprise d’emploi, maintiennent pour les licenciés économiques l’intégralité du salaire pendant une année,  s’ajoutant aux conventions de reclassement personnalisé,  à l’accroissement des emplois aidés et la suppression des charges pour les emplois créés par les TPE, permettaient de limiter la progression du chômage ainsi que des pertes de revenus qui y sont liées. Un  soutien ponctuel a été  apporté  au pouvoir d’achat, avec, notamment, le doublement de la prime de rentrée fin 2008,   la suppression des 2ème et 3ème tiers de l’impôt sur le revenu 2009, le versement anticipé du RSA et une prime de 150 euros versée aux familles modestes.  L’ensemble de ces mesures et la rapidité de leur mise en œuvre,   ont  réussi à faire sortir la France de la crise, plus vite et dans de meilleures conditions que la plupart des pays comparables.

 

L’ Etat et la  société ont été modernisés.

 

La démocratie a progressé. La réforme de la Constitution prévoit  que seuls deux mandats pourront être effectués par le Président de la République, dont le pouvoir de nomination auparavant quasiment discrétionnaire, sera encadré. 

 Nicolas Sarkozy est aussi le premier président de la Vème République dont le temps de parole soit décompté, alors que Chirac et Mitterrand notamment ont toujours voulu pouvoir s’exprimer sans que cela n’ampute le temps de parole de la majorité. 

Les pouvoirs du Parlement ont été accrus avec un droit d’initiative, et la maîtrise de la moitié de son ordre du jour,  toujours refusé jusqu’alors, ou la discussion en séance du projet amendé par les commissions et non du projet du gouvernement. Les débats sont mieux organisés et donnent moins de possibilité de blocage.  Le Parlement bénéficie aussi d’une plus grande capacité de contrôle du gouvernement avec de  nouveaux droits reconnus aux Commissions…

Au sein du  Parlement, l’opposition  dispose de pouvoirs nouveaux. La Présidence de la plus importante des commissions parlementaires, celle des finances, lui est accordée. Elle dispose du droit de voir discuter ses textes, et de demander la création d’une commission parlementaire par session. Enfin son temps de parole est devenu égal à celui de la majorité dans les « questions au gouvernement ». Il lui est même supérieur dans les discussions de textes.

 

Un membre de l’opposition a été nommé Président de la Cour des Comptes, ce qui n’avait jamais été le cas, et  représente un pouvoir et une capacité d’intervention immenses.

Le Conseil Constitutionnel (où Nicolas Sarkozy a désigné un homme de gauche) devient une véritable Cour suprême  et peut être indirectement saisi par tout citoyen qui, à l’occasion d’un procès, conteste la constitutionnalité d’une loi. Enfin, est ouverte la possibilité d’un référendum d’initiative populaire.

 

L’Etat a été modernisé. Tout en veillant à préserver son rôle et son autorité, une politique d’allégement du coût de l’Etat  a été entreprise : non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, (plus de 150.000 postes de fonctionnaires auront été supprimés). La  Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP),  a permis la restriction et la réorganisation des dépenses de fonctionnement des ministères. La réforme des collectivités locales contribue à simplifier le « mille-feuilles » administratif, à clarifier les compétences des collectivités et diminue de moitié le nombre d’élus locaux.

La réforme partielle de l’école – c’est toujours le secteur le plus difficile à réformer-  tend à  limiter l’échec en accompagnant mieux les plus faibles et de rendre, à coût supportable, un meilleur service;

La politique d’autonomie des universités, qui permet à chaque établissement d’être maître de son budget et plus autonome dans ses décisions,  et qui s’accompagne d’un  plan de rénovation des campus de 5 milliards d’Euros, et du  soutien à la recherche et à l’innovation avec le  « crédit d’impôt-recherche » ; Le service minimum dans les transports et pour l’accueil à l’école qui autorisent un fonctionnement plus régulier du service public et limite les gênes et  les coûts causés par les grèves.  La santé avec la réforme de l’hôpital, les Agences Régionales de Santé (ARS) et les plans de santé publique (altzheimer et cancer);  la refonte des  cartes judiciaire et militaire ; la plus grande maîtrise de l’immigration,  et la lutte réactivée contre l’immigration clandestine, le pacte européen, interdisant les régularisations massives, que la France a fait accepter ;  la justice avec l’augmentation des effectifs (plus de 2.000), la réforme de la garde à vue la mise à disposition de plus de 7.000 nouvelles places de prison ;    la poursuite, avec un certain succès, de la lutte contre la délinquance et l’insécurité qui bénéficie d’abord aux plus modestes et aux plus fragiles. On pourrait citer aussi la  loi Hadopi qui limite les chargements illégaux sur Internet, la loi contre le port du voile intégral   et  la suppression de la publicité à la télévision publique, qui lui permet de se libérer des contraintes commerciales …

 

Le Grenelle de l’environnement qui a permis d’exprimer et de matérialiser un certain nombre de principes inscrivant la dimension écologique dans notre vision de la politique a permis aussi  le lancement de mesures de long terme favorables à l’environnement : le développement considérable des   transports ferroviaires, notamment des Lignes à Grande Vitesse ; la rénovation thermique des logements grâce à l’éco prêt à taux zéro et les nouvelles normes de construction; le bonus malus écologique pour les voitures ; le développement des énergies renouvelables qui, en dix ans devraient passer de 12 à 23%. les dispositions sur l’eau, l’agriculture, la biodiversité, l’étiquetage des produits…

 

 

 

Une politique sociale généreuse

 

  Comme nous l'avons vu plus haut, plusieurs mesures sociales ont eu pour objectif d'éviter que la crise ne pèse trop lourdement sur le revenu et le pouvoir d’achat des classes moyennes et des plus pauvres. D’autres  ont été prises.

 

Pour l’emploi, la création de « pôle emploi »,  réunion de l’ANPE et l’UNEDIC,  la création d’un Fonds d’Investissement Social, comme l’assouplissement de plusieurs modalités du contrat de travail sont des  mesures qui montrent leur utilité.  

 

 Et combien d'autres: la méthode de rénovation sociale, assise sur la ratification des négociations entre acteurs sociaux comme la loi sur la représentativité syndicale permettent de conforter la légitimité des partenaires sociaux et de soumettre les accords d’entreprise à une réelle validation; la défiscalisation des heures supplémentaires, la décision d’augmenter fortement le minimum vieillesse, l’allocation d’adulte handicapé, le minimum retraite pour les agriculteurs ; La suppression de droits de succession pour 95% des Français. l’instauration du RSA, (et  son extension, sous conditions, aux  moins de 25 ans) qui permet de cumuler revenu d’activité et revenu de solidarité afin d’encourager la reprise d’un emploi, même à temps partiel, et   son financement par une taxe sur le capital.

 

La réforme du système des retraites –venant après celle des régimes spéciaux-  qui permet, en faisant tomber le tabou des 60 ans,  de sauver provisoirement le système par répartition en assurant un financement qui en  limite le déficit. La politique de création de logements sociaux (il s’en est construit 160.000 en 2009, chiffre jamais atteint en une année) et les facilités accordées pour l’accès à la propriété.

 

La   politique étrangère de Nicolas Sarkozy, a permis  de corriger les faiblesses de la période Chirac/Villepin en permettant à la France de retrouver une place et un rôle  dignes d’elle, en Europe et dans le monde.


Nicolas Sarkozy a  permis le redémarrage de l'Europe  (le traité de Lisbonne, qui marque des avancées institutionnelles, doit beaucoup à ses initiatives) replacé la France au cœur du système de décision militaire  par la réintégration dans l'OTAN.

 

 Sarkozy installe la France au centre de nouvelles coopérations avec l'Union pour la Méditerranée, projet ambitieux qui commence à se réaliser,  et l’ accord franco britannique du 2 novembre 2010.

 

Enfin, sans rappeler les efforts déployés dans le cadre du G20 et vus par ailleurs,  il convient d‘apprécier les efforts déployés  pour la paix au Moyen-Orient passant par la relance des contacts avec toutes les parties intéressées, les rapports privilégiés avec la Chine et  des pays émergents comme l’Afrique du sud, l’Inde et  le Brésil.

 

Les erreurs et les manques

 

Pourtant, nous n’approuvons pas tout.

 

Nous regrettons d’abord que le Président n’ait pas suffisamment exposé sa vision de l’avenir, montré l’objectif qu’il se fixait et  les   chemins à emprunter pour y parvenir. Les réformes ont été nombreuses, utiles, fortes, mais ne s’en distinguait ni la ligne directrice, ni la cohérence.

 

Nous pouvons, ensuite,  exprimer des réticences voire des oppositions sur certains points, notamment sur la fiscalité : nous nous serions bien passé du bouclier fiscal (qui aurait pu rester au niveau où l’avait placé le précédent gouvernement)  et nous aurions souhaité que l’on fasse participer davantage les plus aisés à l’effort commun. Cette politique  fiscale a  contribué à répandre  dans l’opinion, un sentiment d’injustice, pas vraiment justifié, contre lequel il est très difficile de lutter. Une mesure comme   la nomination des présidents de chaînes publiques par le Président et non par le CSA ne nous semble pas non plus judicieuse, pas plus que l’extension des motifs de déchéance de la nationalité, totalement inutile.

 

Force est de reconnaître, tout de même,  que ce bilan est positif.

 

Marc d'Héré

 

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 11:35

 

Claude Imbert, Lepoint du 25 novembre...

 

Il a perdu des couleurs, des plumes et quelques illusions. Assiégé par la crise économique et financière, empêtré par une impopularité collante, Sarkozy quitte, dirait-on, sa politique buissonnière où il n'aura que trop gaspillé son énergie. Il était " trop ", il ne sera pas " moins " mais peut-être " autrement ". Le voilà ramené, sans ménagement, sur le circuit étroit d'une fin de quinquennat. L'arrivée se jugera moins dans une réélection aléatoire que dans le sort d'une nation en danger. C'est désormais, pour la France et son président, le corridor de la vérité. On peut déplorer qu'il s'y engage si tard, mais apprécier qu'il s'y engage enfin.

 

De même, constatons qu'après la guignolade du remaniement le pire y fut évité. Mais avant, hélas, quel spectacle que cette mascarade de prétendants émoustillés par les promesses répandues du monarque et son calamiteux calendrier ! Pour qu'un Sarkozy en habits neufs s'achète enfin la conduite qui s'impose, il aura fallu qu'une Ve République en goguette s'offre un tour de valse dans les bras de la IVe, que le pouvoir, fatigué par sa réforme des retraites, ait mijoté d'écarter Fillon-la-rigueur pour Borloo-la-joie, histoire de tâter d'une gonflette " sociale " dont on sait, en France, qu'elle se cache dans un panier percé...

 

Au bout du compte, les grondements de la conjoncture financière, la popularité de Fillon, la fermeté de Copé, les avis de Balladur auront dégrisé l'Elysée. De cette péripétie il reste bien sûr des dégâts. Ainsi ce placard au Centre d'un quarteron d'éclopés : les plus fragiles garderont à Sarkozy un chien de leur chienne et caresseront l'opinion dans le sens du poil (entendez au rebours de la vérité). Sans compter qu'on eût aimé, pour une politique libérale, que les libéraux (Novelli, Longuet) n'en soient point exclus. Mais enfin, vaille que vaille, le pire n'est pas sûr !

 

L'" intérêt général " de la Nation, voilà, nous assure Sarkozy, le seul et unique objet de sa fin de mandat. L'intérêt général est en France rarement aussi " général " qu'il devrait. On attend donc que Sarkozy dise enfin avec force et clarté celui qu'il désigne. Ce serait assumer le meilleur de l'héritage gaullien : non pas le vieux dogme gaulliste, et qui n'est plus de saison, mais le service gaullien de la vérité, celui de l'état réel de la Nation dans le monde tel qu'il est. Alors, il ne dirait plus que la crise est finie et que le regain de croissance est assuré. Il ne cacherait ni la gravité de la situation financière de la Nation ni son déficit alarmant de compétitivité. Il concentrerait les réformes sur l'essentiel, entre autres sur la fiscalité, et sans laisser croire que la double et heureuse suppression de l'ISF et du bouclier fiscal ne nécessite pas une fiscalité nouvelle.

 

Sarkozy ne peut offrir à la France l'annonce froidement résolue - et gaullienne - que Cameron délivre aux Anglais. Du moins peut-il enterrer la démagogie électoraliste qui ne lui aura guère profité. Ce qui demeure à son crédit, c'est sa gestion, il y a deux ans, de la crise au bord du gouffre, c'est la réforme des retraites, aussi insuffisante soit-elle, la maîtrise progressive de l'immigration clandestine, les pouvoirs accrus du Parlement, l'amorce du service minimum et l'autonomie progressive des universités. C'est l'aggiornamento, peu électoraliste mais capital, d'une politique étrangère qui, sur l'Otan et autres thèmes peu publics, efface d'archaïques crispations. Avec l'Allemagne, c'est d'avoir préservé les chances fragiles d'une indispensable relance européenne. Il est absurde de tenir ce bilan pour roupie de sansonnet !

 

L'accueil, pourtant, fait à sa nouvelle résolution montre qu'il n'est pas au bout de ses peines." Justice sociale ", ce fut le cri des victimes de la crise, le cri de toute l'opposition. Le spectacle de l'inégalité croissante, en France et dans le monde, attire partout un déluge d'imprécations. Sarkozy n'en est pas l'agent principal. La crise, de surcroît, a mis au rancart quelques promesses de sa campagne de 2007 qu'il est vain de lui opposer aujourd'hui.

Mais il traîne, par ses imprudences d'image, un sillage d'" ami des riches ". Quant aux affaires - Bettencourt et aujourd'hui Karachi -, tumeurs habituelles des basses époques avec leur sabbat de rumeurs et de soupçons, elles remettent une louche dans ce mauvais bouillon.

 

Au Parti socialiste, victime de son antique ambiguïté, les ténors de gauche exploitent encore le rêve populiste d'une redistribution radicale qui trouverait dans la " poche des riches " la fin des misères. Mais, soyons justes, on y entend aussi des voix plus réalistes. J'ignore si, dans le rituel hasardeux des primaires, un ticket DSK-Aubry permettrait d'enterrer les illusions des uns dans le réalisme des autres.

 

En tout cas, cette opposition-là ne sera pas le souci immédiat du président. Dans son corridor de fin de mandat, il lui faut trouver, seul, comment faire bouger la France sans diviser les Français. En vérité, une dure épreuve de vérité !

 

Claude Imbert

 

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18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 14:03

 

Par Raymond BOUDON.....

Pour bien des acteurs et des commentateurs politiques la recherche de l’égalité paraît représenter un objectif politique d’une valeur inconditionnelle, voire l’objectif politique ultime. Mais qu’en pense le premier concerné, à savoir le public ?
Égalité des conditions

Certains postulent que toute société doit tendre vers l’égalisation des conditions et que les inégalités sont toujours un mal. Mais le public exige-t-il une égalisation des conditions ? Les études dont on dispose suggèrent plutôt que, pour le public, une bonne politique économique et sociale est celle qui favorise la croissance et assure un filet de protection sociale efficace. Quant à la réduction des inégalités globales, elle n’est guère l’objet d’une demande de sa part. Car il voit bien qu’elles sont d’origines diverses et qu’il est par suite impossible d’apprécier le degré auquel, considérées en bloc, elles sont légitimes.

Le public accepte en effet selon les enquêtes que les rémunérations soient indexées sur le mérite, les compétences ou l’importance des services rendus. Quant aux limites au-delà desquelles ces inégalités seraient perçues comme excessives, elles sont indécises. Ne sont pas non plus perçues comme injustes les inégalités qui résultent du libre choix des individus. Les rémunérations des vedettes du sport ou du spectacle sont ressenties comme excessives plutôt que comme injustes, leur succès résultant de l’agrégation de choix individuels non contraints.
Le principe d’équité veut que, à contributions identiques, les rétributions soient identiques. Mais le bon sens refuse de considérer comme injuste que deux personnes exécutant les mêmes tâches soient rémunérées différemment du fait qu’elles appartiennent à des entreprises ou à des régions dont l’état de santé économique n’est pas le même. Le public ne considère pas non plus comme injustes des différences de rémunérations concernant des activités non comparables. Ainsi, il est difficile de déterminer si un chirurgien doit être plus ou moins rémunéré qu’un chef d’entreprise. Il ne considère pas comme injustes des inégalités dont on ne peut déterminer si elles sont fonctionnelles ou non.

Il considère en revanche comme injustes les inégalités qu’il perçoit comme des privilèges. Il admet fort mal qu’un responsable profite de sa situation pour s’attribuer des avantages illégitimes ou qu’un chef d’entreprise se fasse octroyer par son conseil un « parachute doré », surtout lorsque celui-ci « sanctionne » une mauvaise gestion. Il voit bien que certains régimes spéciaux de retraite recouvrent d’authentiques privilèges sous le voile pudique des « droits acquis ». Il désapprouve que les acteurs politiques utilisent leur pouvoir pour s’attribuer des avantages injustifiés. Il voit bien que, contrairement à ce qu’affirme un poncif facile, la sobriété affichée par les gouvernants des démocraties du Nord de l’Europe, ne s’explique pas par l’influence du protestantisme, mais par le fait que la démocratie y est plus avancée qu’en France. Sauf à supposer qu’ils aient des gènes culturels différents, on ne voit pas en effet pourquoi les exigences des Français en matière d’équité seraient inférieures à celles des Norvégiens ou des Allemands.

Égalité des chances

Cette forme de l’égalité est perçue comme une exigence des sociétés démocratiques. Il est normal qu’il en soit ainsi, car, à la différence des inégalités dites « de résultat », l’inégalité des chances est contradictoire avec les valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Sur ce chapitre, l’inégalité des chances scolaires – le fait que le niveau scolaire atteint par un individu soit lié, au sens statistique, à son origine sociale – a été l’objet d’une attention particulière.

Une deuxième raison de l’attention accordée à l’inégalité des chances scolaires est qu’elle s’est révélée très résistante aux médications. L’enseignement compensatoire n’a pas produit les résultats escomptés. L’extension du tronc commun, qui a donné naissance à l’« école unique » en France ou à la Gesamtschule en Allemagne, a engendré d’innombrables effets pervers : dégradation générale de l’efficacité du système d’éducation et du climat de l’école, échecs scolaires nombreux, morosité des enseignants, ratés dans la transmission du savoir. Les espoirs mis dans la réforme des méthodes pédagogiques ont été, eux aussi, largement déçus.

Parmi les facteurs responsables de l’inégalité des chances scolaires, certains apparaissent sous tous les horizons. Les enquêtes ont démontré que certaines « valeurs » varient avec l’origine sociale. Ainsi, on a plus fréquemment une attitude fataliste devant la vie au fur et à mesure qu’on descend dans l’échelle sociale. Cela a un effet sur l’inégalité des chances scolaires. D’autres ont insisté sur le fait que les apprentissages cognitifs effectués au sein de la famille facilitent les apprentissages scolaires. Les économistes ont insisté sur la variation avec l'origine sociale des coûts d'opportunité et des coûts directs résultant de la prolongation des études. Les sociologues ont insisté sur l’effet dit « des groupes de référence ». Cette notion traduit un mécanisme psychologique facilement observable et compréhensible : un adolescent issu d’une famille favorisée tend, comme ses parents, à considérer la perspective d’occuper un emploi de niveau moyen comme un échec, l’adolescent issu d’une famille défavorisée comme une réussite. A niveau de réussite scolaire égal, le second tend donc à avoir des ambitions sociales plus faibles.

En raison de l’incertitude sur l’importance relative de ces facteurs, une réponse consiste à en privilégier tel ou tel par facilité ou pour des raisons idéologiques. Quand on ne sait pas où l’on a perdu ses clés, pourquoi ne pas les rechercher auprès du réverbère ? C’est ainsi qu’il faut analyser la vogue de la théorie de la « reproduction » hier et du « pédagogisme » aujourd’hui. Ce sont en effet ces théories fumeuses qui ont surtout retenu l’attention de nombre d’enseignants et de politiques des années 1960 à la fin du XXe siècle : selon la première, l’école véhiculerait une culture, celle de la « classe dominante », facilitant la « reproduction » de cette dernière. Selon la seconde, une pédagogie d’inspiration rousseauiste permettrait d’atténuer l’inégalité des chances scolaires. On doit à ces théories : la méthode de lecture globale, la grammaire « structurale », les mathématiques « modernes » ou l’idée que l’école moderne doit être un « lieu de vie » plutôt que de transmission du savoir. Par voie de conséquence, on leur doit aussi : l’explosion des échecs scolaires, la régression régulière de la France dans les évaluations internationales des performances scolaires, les taux remarquables de chômage des jeunes et finalement la morosité particulière dont, selon les enquêtes, témoigne la jeunesse française.

Or on peut montrer que le mécanisme des « groupes de référence » contribue bien davantage à expliquer l’inégalité des chances scolaires que les autres, notamment que les « valeurs » caractérisant les différentes catégories sociales ou que les acquis cognitifs transmis par la famille à l’enfant. Si on parvenait à l’éliminer, on réduirait l’inégalité des chances de manière très sensible. En revanche, on la réduirait faiblement en essayant de compenser les différences d’aptitude à l’école résultant de différences dans les apprentissages cognitifs au sein de la famille.

Cette théorie, que j’ai défendue dans mon Inégalité des chances (Hachette, 2007 [1973]), explique correctement l’ensemble des données connues et notamment la résistance de la relation entre origine sociale et niveau scolaire. Elle permet de comprendre pourquoi les enseignements dits de « compensation » ont eu des effets décevants et pourquoi il ne faut rien attendre du « pédagogisme ». Une étude de V. Müller-Benedict parue dans la prestigieuse Kölner Zeitschrift für Soziologie (déc. 2007, 615-38) vient à nouveau de valider cette théorie dans le cas de l’Allemagne à partir de données de l’enquête PISA.

Loin d’inviter à la résignation et à l’inaction, cette théorie suggère que, pour obtenir une réduction de l’inégalité des chances, il faut 1) renforcer dans les faits la fonction essentielle de l’école, c’est-à-dire la fonction de transmission des savoirs ; 2) renforcer l’évaluation des élèves, ainsi que 3) la liaison entre les résultats de l’évaluation et l’orientation. En outre, les incertitudes relatives à l’évolution de la demande en matière de compétences jointes à l’hétérogénéité croissante de la population scolarisée invitent à 4) stimuler la différenciation du système scolaire en étendant au maximum l’autonomie des établissements scolaires. Bref, elle invite à mettre fin à une fiction qui s’est révélée porteuse d’effets redoutables, celle de l’égalité « républicaine » des établissements. L’abolition de la carte scolaire représente une pièce importante de ce dispositif d’ensemble. Celui-ci permettrait non seulement de réduire l’inégalité des chances scolaires, mais d’augmenter les chances que chacun trouve sa voie, d’atténuer l’échec scolaire et le chômage des jeunes, et de favoriser l’intégration des jeunes de toutes origines.

Une politique de ce genre est en effet susceptible d’entraîner une atténuation de l’inégalité des chances, non seulement scolaires, mais sociales. Les États-Unis ont réussi à créer une vaste classe moyenne noire en trois décennies (1960-1990). Cet effet résulte sans doute de la mise en place de la politique des droits civiques, mais celle-ci a porté ses effets grâce à l’autonomie des établissements d’enseignement américains et à la très grande diversification qui en résulte, ainsi qu’à la latitude consentie au citoyen d’inscrire ses enfants à l’école de son choix.

Égalité et solidarité

La croissance des Trente Glorieuses n’est plus. La population des nations européennes vieillit. Les dépenses de santé et d’éducation augmentent inexorablement. Les démocraties modernes, dont la France, sont donc confrontées au problème de la définition d’une politique de redistribution rationnelle, capable de satisfaire, en fonction de ces paramètres, le double principe de l’équité et de l’efficacité.

Un exemple révèle que ce double principe est effectivement une condition nécessaire et suffisante du consensus. À l’issue de discussions et de conflits prolongés, un consensus très général s’est établi il y a quelque temps déjà sur l’idée que l’impôt sur le revenu est une bonne chose, et qu’il doit être modérément progressif. La raison de ce consensus est que cette institution satisfait au double principe de l’équité et de l’efficacité.

En effet, les sociétés modernes sont grossièrement composées de trois classes sociales : les riches, qui disposent d’un surplus significatif ; la classe moyenne, qui ne dispose que d’un surplus limité ; les pauvres. La cohésion et la paix sociale, le principe de la dignité de tous impliquent que les pauvres soient subventionnés. Par qui ? Au premier chef par la classe moyenne, en raison de son importance numérique. Mais celle-ci n’accepterait pas d’assumer sa part si les riches ne consentaient pas à participer à la solidarité à un niveau plus élevé. Il résulte de ces raisons que l’impôt doit être progressif. D’un autre côté, il doit être modérément progressif sous peine d’entraîner des effets pervers nuisibles à la collectivité et violant ainsi le principe d’efficacité.

Le consensus qu’on observe ici s’est donc bien formé sur la base du double principe de l’équité et de l’efficacité. Une fois suffisamment informé, le citoyen quelconque, quelle que soit la classe à laquelle il appartient, a toutes chances d’accepter l’idée d’un impôt sur le revenu modérément progressif. Sans doute certains s’opposent-ils à ce consensus, sous l’effet de leurs intérêts, de leurs préjugés ou de leurs passions et quelques économistes recommandent-ils de revenir à un impôt proportionnel, voire d’abolir l’impôt sur le revenu. Mais c’est qu’ils ignorent les exigences du principe d’équité.

Le double principe de l’équité et de l’efficacité représente un guide indispensable en un temps où bien des décisions et commentaires politiques donnent l’impression de témoigner d’une « pertes des repères intellectuels ». Pour évoquer deux exemples entre mille : en vertu du principe d’équité, le citoyen quelconque estimerait certainement que les droits de propriété doivent être considérés comme étant à un plus haut degré intangibles s’agissant des richesses accumulées sous l’effet du mérite et de la compétence que des richesses acquises par héritage. Il recommanderait donc de préférer l’impôt sur les successions à l’impôt sur la fortune pour financer les dépenses publiques. C’est pour satisfaire à cette exigence du principe d’équité que les démocraties avancées ont toutes renoncé à l’impôt sur la fortune. Le citoyen quelconque estimerait aussi qu’il est profondément contraire au principe d’équité de boucler les fins de mois de l’Etat aux dépens de générations futures incapables d’accorder leur consentement. L’exception française sur ces deux points provient de ce que les acteurs politiques et les intellectuels français perçoivent facilement leurs concitoyens comme inspirés dans leurs jugements politiques par l’envie, l’égoïsme et la myopie plutôt que par des considérations d’équité et d’efficacité. Un point de vue aussi faux que désobligeant.

Le citoyen quelconque accepterait aussi que l’on renonce à la politique compassionnelle d’assistance aux déshérités au profit d’une politique rationnelle conforme au double principe de l’équité et de l’efficacité. Autant il est indispensable d’apporter de l’aide au citoyen en difficulté, autant il est négatif pour la collectivité et pour lui-même d’en faire un assisté. C’est pourquoi on observe dans toutes les démocraties, en Scandinavie, en Allemagne avec les mesures dites Hartz IV, au Royaume-Uni avec le nouveau New Deal de Tony Blair ou aux Etats-Unis avec le workfare de Clinton, une évolution tendant à substituer une politique rationnelle de solidarité à une politique compassionnelle, en l’occurrence à réformer le système d'allocations chômage en durcissant les conditions d'indemnisation. Les commentaires négatifs sur ces réformes se sont progressivement éteints parce qu’elles ont été perçues comme substituant à une politique d’assistance une politique à la fois plus respectueuse de la dignité humaine et fondée sur une représentation du citoyen quelconque comme sensible au double principe de l’équité et de l’efficacité. Parmi les démocraties avancées, la France a été de nouveau la dernière à mesurer l’inefficacité et l’iniquité des politiques compassionnelles.

Égalité des droits

Les sociétés modernes sont caractérisées par une demande de plus en plus pressante de la part du public, à savoir que chacun soit traité comme ayant une dignité égale et par suite comme étant habilité à jouir des mêmes droits : des mêmes libertés. C’est pourquoi la liberté a la préséance sur l’égalité dans la devise républicaine.

La notion de dignité humaine définit un programme permanent dont le contenu s’approfondit avec le temps. Il est aujourd’hui aussi actif que jamais. De nouveaux droits sont constamment revendiqués et créés. On parle même de « droits non opposables » dont l’application ne peut être exigée devant les tribunaux. Malgré cela, ils sont spontanément qualifiés de « droits », car on a le sentiment qu’ils ont vocation à devenir opposables à plus ou moins brève échéance. Ces bégaiements sont inévitables : la notion de dignité humaine étant intrinsèquement floue, son contenu est par la force des choses évolutif. D’où l’apparition d’interprétations utopiques. Ces bégaiements sont soumis à un processus de sélection qui s’opère sous le contrôle de l’opinion. Bien des utopies d’hier ont pris force de loi, dès lors que les circonstances s’y sont prêtées.

Ces bégaiements peuvent aussi donner lieu à des dérives, comme lorsque le droit du citoyen à être protégé par l’autorité publique s’est trouvé bafoué sous l’effet, non d’un sympathique angélisme, mais de l’idéologie profondément destructrice du lien social qui veut que le délinquant soit une victime de la société. Son influence a été telle qu’elle avait réussi à installer en France un droit tacite à l’impunité, heureusement rejeté aujourd’hui.

Sur la question de l’égalité des droits comme sur les autres questions soulevées par la notion d’égalité, le double principe de l’équité et de l’efficacité est un guide sûr. Il permet d’échapper à l’idéologie et à la confusion intellectuelle : confusion -pas seulement due à la racine commune des deux mots- entre l’égalité et l’équité ; confusion entre l’impérieuse égalité des droits, la désirable égalité des chances et l’utopique égalité des conditions.

 

Raymond Boudon

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Je joins à ce texte, en P.S., un commentaire que m'a adressé Cellobello, une lectrice de ce blog:

  

"Ces bégaiements sont soumis à un processus de sélection qui s’opère sous le contrôle de l’opinion. Bien des utopies d’hier ont pris force de loi, dès lors que les circonstances s’y sont prêtées.
Ces bégaiements peuvent aussi donner lieu à des dérives, comme lorsque le droit du citoyen à être protégé par l’autorité publique s’est trouvé bafoué sous l’effet, non d’un sympathique angélisme, mais de l’idéologie profondément destructrice du lien social qui veut que le délinquant soit une victime de la société. Son influence a été telle qu’elle avait réussi à installer en France un droit tacite à l’impunité, heureusement rejeté aujourd’hui. "

Un peu intimidée de répondre à Raymond Boudon…Un grand merci pour cette analyse, oh combien fondamentale.
Dans l'immédiat, je réagis uniquement au passage ci-dessus.
Plus particulièrement à cette phrase:
" Son influence a été telle qu’elle avait réussi à installer en France un droit tacite à l’impunité, heureusement rejeté aujourd’hui. "

Dans l'univers des travailleurs sociaux, nous assistons, depuis un quart de siècle, à une dérive des sociologues du quotidien, enseignants dans les instituts de travail social: d'analyse des fonctionnements de la société, cette sociologie s'est engluée dans la désignation des coupables, façon Rousseau.
Cette approche déterministe de la recherche des fautifs, amplifiée par les médias et les règlements de comptes politiciens, paralyse les possibilités de traiter des parcours individuels.
Toute approche de prévention implique de comprendre quelles difficultés rencontrent les personnes et de rechercher quels moyens leur proposerr pour qu'ils réussissent à surmonter ces difficultés.

Or la lecture binaire "société coupable/individus victimes" enferme les personnes en difficultés dans un statut de victime obligée.Toute observation de difficulté, par un tiers, est perçue comme une accusation. Ce qui exclue d'être réceptif aux mains tendues.Les réussites individuelles deviennent suspectes, pour le groupe d'appartenance: non conformes aux représentations de l' impossible réussite dans cette société dite hostile.
Etre désigné comme simple produit d'une société, pour un humain, est sans doute le pire affront, malgré les apparences. Le droit tacite à l'impunité n'a d'égal que le droit tacite à la sécurité des personnes et des biens.
Et à la répression qui y est liée.
Il nous reste un long chemin à parcourir pour restaurer la notion de responsabilité individuelle dans sa dimension "'être responsable de sa vie".
L'aide à la parentalité est une façon de s'engager dans cette voie.

Cellobello 

 

                                                

 

 

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 18:01

 

Il y a quatre-vingt-dix ans, pour honorer les soldats de la Grande Guerre, les Français portaient solennellement jusqu'à la place de l'Etoile la dépouille d'un combattant anonyme, tombé au cours d'un des terribles combats où périrent avec lui plus d'1,4 million de ses frères d'armes.



Depuis, notre Nation se réunit chaque année dans l'hommage rendu au Soldat inconnu, et chaque soir, sous l'Arc de Triomphe, est ravivée la flamme qui commémore le souvenir des soldats tombés au champ d'honneur dans chacun des conflits où la France s'est engagée.



A travers ce symbole, c'est la flamme de la Nation qui est ici maintenue vivante.



Rassemblés autour d'elle en ce 11 novembre, nous célébrons l'héroïsme d'une génération qui a connu les pires souffrances avant d'arracher la paix. Nous célébrons une France qui a affronté l'une des plus terribles épreuves de son histoire et qui l'a emporté parce qu'elle a su se montrer responsable et unir toutes ses forces pour faire face au danger.


Nous devons puiser dans ce symbole du 11 novembre la force de surmonter les difficultés du présent, les antagonismes et les divisions partisanes, pour mener ensemble, avec courage et détermination, les actions que réclame l'avenir de notre pays.



Cet appel à la responsabilité collective, la commémoration du 11 novembre l'a suscité de façon exemplaire en un moment tragique de notre histoire, alors que la France, face à la défaite de juin 1940 et à l'Occupation, semblait sombrer dans l'abîme.



Le 11 novembre 1940, bravant l'interdiction de tout rassemblement patriotique, des jeunes filles et des jeunes gens se sont rendus sous l'Arc de Triomphe pour rendre hommage au Soldat inconnu. L'amour de la France ne devait jamais s'éteindre : ils en portaient le vivant témoignage.



Ce jour-là, ils ont dit non à la défaite, non à la collaboration, non au déshonneur.

Ce jour-là, ils se sont affirmés comme les filles et les fils des combattants héroïques de 1914-1918.

Ce jour-là, une avant-garde de la jeunesse française répondait publiquement à l'appel à la Résistance lancé quelques mois plus tôt par le général de Gaulle.



J'ai voulu que les cérémonies du 11 novembre 2010 soient l'occasion de saluer le courage de ces jeunes Français qui ont montré l'exemple. Ils nous rappellent que l'amour de la France est un bien précieux, que nous devons chérir, nourrir, défendre, quelles que soient les circonstances, quelles que soient nos origines, quelles que soient nos convictions. Ils nous rappellent que la grandeur de notre pays, son avenir et ses valeurs, reposent entre nos mains et que nous avons, ensemble, le pouvoir d'agir pour forger le destin de la France.



Nicolas Sarkozy - Jeudi 11 novembre 2010

 

 

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 22:28

 

Par Claude Allègre, lepoint.fr du 10 11 2010...

 

Le conflit sur la réforme des retraites s'estompe, laissant la France hébétée et un peu groggy au moment où nous avons besoin de toutes nos ressources pour sortir de la crise. Les bonnes âmes, un peu gênées de justifier un mouvement excessif contre une réforme qu'elles savent nécessaire, disent : "C'est un mouvement anti-Sarkozy, le refus global d'une politique." Certes, le président apparaît très impopulaire dans les sondages. Mais cette situation n'est-elle pas subjective, due à l'hyperprésidence et aux maladresses multiples qui lui sont associées, ou est-elle justifiée par la politique qu'il a effectivement menée ? Peut-on sortir de l'irrationnel, de l'émotionnel et du sectarisme et faire un bilan réaliste de cette présidence ? Désormais spectateur définitif de la politique, n'ayant plus de lien partisan et très attaché à mes convictions et plus encore à ma liberté de pensée et d'expression, je tente la gageure.


Commençons donc par les retraites. Fallait-il faire cette réforme ? Oui. Fallait-il la faire si vite ? Oui encore, sinon nos caisses de retraites, alors en quasi-faillite, auraient été obligées de baisser les pensions. Les personnes âgées le savent très bien ! Souvenez-vous que Michel Rocard jugeait cette réforme urgente en 1988, que Lionel Jospin voulait la faire en 2000.

Force est de constater que c'est Balladur et Fillon qui l'ont amorcée, et Sarkozy et Fillon qui l'ont bouclée. Pour autant, la réforme est-elle parfaite ? Bien sûr que non, et il faudra la compléter et l'infléchir sur bien des points, notamment la prise en compte des métiers pénibles. Mais la mise en place, dans quelques années, d'un système par points ouvre la voie vers une retraite choisie. C'est désormais une perspective intéressante. Alors que nous allons vers une espérance de vie qui dépassera bientôt 90 ans, peut-on continuer de s'arrêter de travailler à 60 ans ? Le simple bon sens nous dit que ce n'est pas possible !

 


En filigrane des mouvements sociaux, j'ai perçu une dévaluation du travail qui m'a choqué. Et les préoccupations de certains lycéens ou étudiants pour leur retraite m'ont affligé. Ils sont heureusement une minorité, car, sinon, la France serait dans une bien mauvaise posture. Chemin faisant, Nicolas Sarkozy a montré qu'il savait résister aux défilés et aux manifestations. Il n'y a pas de légitimité démocratique de la rue face aux urnes, pas plus qu'il n'y a en démocratie de légitimité des sondages. La rue, c'est un cri d'alarme auquel il faut prêter attention, ce n'est pas une injonction démocratique. La légitimité, c'est la représentation nationale librement élue !


Par ailleurs, Sarkozy a montré qu'il savait aussi ne pas plier pour défendre un ministre qu'il juge capable et honnête. C'est une vraie innovation !


L'épisode des retraites n'est pas l'unique événement où la détermination et le courage de Nicolas Sarkozy ont été décisifs. Quand la crise a éclaté, il a créé le G20, entraînant une Amérique de Bush apeurée et pourtant responsable de tout. On a pu ainsi dresser les prémices d'une solidarité mondiale, évitant du même coup les réflexes du chacun-pour-soi et d'une guerre de dévaluations compétitives qui aurait amené le chaos mondial. Dominique Strauss-Kahn a été un allié précieux dans cette action.


A-t-on oublié aussi qu'avec Gordon Brown Sarkozy a entraîné l'Europe dans une action solidaire de recapitalisation des banques alors que l'Allemagne tardait à réagir ?


Plus important, se souvient-on qu'en garantissant les crédits des banques il a stoppé net la panique qui avait saisi les épargnants au point qu'ils étaient prêts à vider leurs comptes, ce qui aurait été un pur désastre ? Certes, le combat n'est pas terminé, mais au moins on a évité 1929 ! Même si j'aurais préféré que l'Etat prenne provisoirement des actions des banques. Nous aurions alors empoché une vingtaine de milliards dans l'opération. Quant à la stratégie économique adoptée pour la France dans la crise, elle se situe dans le difficile équilibre entre une nécessaire rigueur et un refus d'étouffer la croissance. Chemin faisant, je me suis réjoui de voir Sarkozy rejoindre le camp des keynésiens.


En politique internationale, la France est à nouveau en bons termes avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde ou le Brésil. Au Moyen-Orient, notre amitié avec Israël a été réaffirmée dans un discours à la Knesset auquel j'ai assisté et que François Mitterrand aurait applaudi, et en même temps notre réconciliation avec la Syrie permet à nouveau à notre diplomatie d'être efficace. Bien sûr, je trouve que le merveilleux projet d'Union de la Méditerranée n'avance pas assez vite, mais est-ce la faute de Sarkozy, qui l'a lancé ?


Lorsqu'on examine la politique intérieure de la France, il y a aussi des innovations porteuses d'avenir. Comment l'universitaire que je suis ne serait-il pas sensible à la priorité budgétaire donnée à l'université ? Je crois depuis longtemps que ce domaine est la clé de l'avenir de la France, mais je n'ai jamais réussi à faire totalement partager ce point de vue au Parti socialiste. L'effort financier entrepris depuis trois ans n'a aucun équivalent depuis le premier gouvernement du général de Gaulle.


Et pourtant, c'est un effort qu'il faudra doubler si l'on veut atteindre une situation comparable à celle des États-Unis.


Quant à l'autonomie des universités, elle avait été réclamée au colloque de Caen réuni autour de Pierre Mendès France dans les années 60... Force est de constater que c'est Sarkozy et Fillon qui l'ont réalisée.


C'est vrai que bien des collègues universitaires me disent chaque jour pis que pendre de la mise en oeuvre de cette politique : les salaires des enseignants-chercheurs restent insuffisants pour arrêter l'hémorragie des meilleurs vers l'étranger, le logement étudiant n'a pas bénéficié d'une impulsion suffisante, la réunionite recommence à sévir dans nos universités et le gigantisme universitaire, qui n'a jamais été un gage de qualité, prend un essor inquiétant, etc. Cette non-reconnaissance par les universitaires de l'immense effort accompli est en soi un problème. Mais l'impulsion qui a été donnée sera, j'en suis sûr, pérenne. C'est un pari sur l'intelligence. Qui osera revenir là-dessus ?


L'idée de créer un ministère associant écologie, énergie et aménagement du territoire n'est-elle pas, par ailleurs, la meilleure manière pour que les impérieux problèmes écologiques soient pris en compte en les intégrant pleinement dans l'économie ? Même si le Grenelle de l'environnement est aujourd'hui très critiqué par de nombreux économistes, avec des arguments sérieux sur les hyper-subventions mises en place pour l'éolien ou le photovoltaïque (que Bercy vient d'ailleurs de rogner), l'initiative était bonne. Sans doute trop d'arrière-pensées politiques ont-elles été associées au Grenelle. On peut citer la velléité d'une taxe carbone franco-française, l'oubli du nucléaire, celui des OGM. L'oubli des problèmes de l'eau, de la géothermie y a été une lacune grave. Mais l'impulsion initiale va petit à petit transformer en profondeur notre pays et son rapport avec la nature, l'espace et le développement. Ce ministère sera l'instrument qui permettra de construire une écologie qui ne tourne pas le dos au progrès et sera l'un des moteurs de la nouvelle croissance.


La modernisation de l'aménagement du territoire constitue un autre chantier ouvert. La loi de décentralisation, que de Gaulle jugeait nécessaire, mais que ni Pompidou ni Giscard n'avaient eu le courage de faire, est l'un des grands apports de la gauche à la modernisation de notre pays. Elle a permis de rapprocher les décisions du citoyen. Mais, au cours du temps, les structures se sont complexifiées. On a ajouté des strates sans jamais en supprimer : commune, communauté de communes, pays, département, région, Etat, Europe. Ne faut-il pas simplifier le mille-feuille ? Si on ne le fait pas, la France mourra asphyxiée par la bureaucratie et le citoyen s'éloignera un peu plus de la politique. Je ne partage pas nécessairement toutes les dispositions de la réforme territoriale, mais je trouve que s'y être attaqué est un acte courageux.

Encore faudra-t-il dans le même temps simplifier la réglementation et alléger les structures étatiques qui souvent doublonnent avec celles des collectivités. Et pourquoi ne pas réformer le Sénat pour en faire un Bundesrat à l'allemande, rapprochant du même coup les structures de la France et de l'Allemagne ?

Dans le même esprit, ne faut-il pas essayer d'adapter notre territoire au monde moderne : essayer de faire émerger un Grand Paris, muscler les capitales régionales, tenter de simplifier les cartes judiciaire et hospitalière ? Certes, en faisant cela, on va supprimer des élus, muter des fonctionnaires et donc susciter des oppositions farouches. Mais faut-il préférer le confort routinier de quelques-uns à l'intérêt général ?

 


A l'inverse, je n'ai pas aimé l'épisode des Roms. Il était inutile et maladroit. Fustiger une population fragile, repoussée de partout, ne correspond pas à notre tradition. Mais je n'ai pas aimé davantage les réactions outrancières de Michel Rocard, Dominique de Villepin ou Viviane Reding. Ces domaines sont humainement délicats, mais ne soyons pas naïfs : les nomades créent souvent des situations difficiles à maîtriser. Tous les maires vous le diront, surtout depuis l'imparfait traité de Schengen.


Au fond, mon désaccord est politique. L'idée de faire des clivages entre les partis de gouvernement sur des sujets comme l'immigration ou la sécurité me paraît mauvaise. Ce sont deux sujets bien distincts, mais hélas parfois liés. Pour résoudre ces problèmes sociétaux essentiels dont l'importance va devenir croissante, en raison de la démographie mondiale et du chômage chronique, il faut chercher un consensus national droite-gauche. Et c'est possible ! Ni le gouvernement de Lionel Jospin ni les maires socialistes n'ont été laxistes sur ces sujets. Il faut définir une politique qui, tout en respectant les traditions d'hospitalité et d'humanisme, ne soit ni laxiste ni naïve.


Sur le plan de la démocratie, on fait par ailleurs à Nicolas Sarkozy un procès qui me paraît profondément injuste. J'ai applaudi en son temps la réforme constitutionnelle qu'avaient approuvée aussi bien Jack Lang que Guy Carcassonne. Pourquoi l'avoir combattue férocement, comme l'a fait l'opposition ? L'apprenti dictateur que certains nous décrivent a eu l'idée " étrange " de s'interdire plus de deux mandats et donc de gouverner moins longtemps que Mitterrand. C'est bien lui qui a donné aux députés le droit de fixer un tiers de l'ordre du jour de l'Assemblée, leur permettant un meilleur contrôle du gouvernement.


Pourquoi a-t-il nommé un socialiste à la tête de la commission des Finances de l'Assemblée et un autre à la Cour des comptes, chargée de contrôler les finances du gouvernement ?
Pourquoi a-t-il nommé un ancien conseiller de François Mitterrand au Conseil constitutionnel, évitant par là que la gauche y soit absente ?
L'idée de saisine du Conseil constitutionnel était-elle dangereuse ? En tout cas, le succès ne se dément pas, comme l'a montré le débat ouvert sur le thème de la garde à vue. Ce sont là bien sûr les stigmates d'un ennemi de la démocratie...
N'empêche, me direz-vous, qu'il est impopulaire et détesté par certains, notamment les jeunes.


La première raison de ce désamour, c'est la crise. Les courbes de popularité de Zapatero, d'Angela Merkel ou le cuisant échec du très pédagogue Barack Obama suffisent à démontrer cette évidence. Tous ces responsables sont victimes de la dépossession démocratique de l'économie !


La seconde raison se trouve dans les réformes entreprises et menées au pas de charge. Sarkozy considère que la France a pris un retard considérable dans la dure compétition internationale et que la rapidité de la réforme est une condition de sa survie. Il a voulu faire en trois ans ce que ses prédécesseurs auraient dû faire en trente. Il a cru que la France était une Ferrari, or c'est un tracteur. Cette volonté boulimique de réformes énerve et inquiète. Le Français aime qu'on lui parle de réformes pourvu qu'elles ne s'appliquent pas à lui !


Mais il y a aussi un désamour plus profond, presque viscéral, qu'il ne faut pas ignorer. Je connais Nicolas Sarkozy depuis 2003, quand des échanges épistolaires violents nous avaient opposés sur la Corse. Depuis, il me reçoit de temps à autre. J'ai pu constater le caractère sympathique de cet homme, qui cherche à plaire, bien sûr, mais qui écoute, argumente, dialogue, sans jamais recourir à l'argument d'autorité que j'ai pu connaître chez tel ou tel de ses prédécesseurs. Lorsqu'on lui fait part de désaccords, et je ne m'en prive pas, il cherche à comprendre avec simplicité et à argumenter. Mais, en même temps, on sent chez lui une volonté permanente de mettre la France à l'heure du XXIe siècle avec, contrairement à ce qu'on écrit, peu de certitudes mais beaucoup de conviction.


Alors, pourquoi tant de haine ? D'abord, bien sûr, parce que l'arrivée à la présidence d'un jeune président dans un vieux pays a été un choc pour l'un et pour l'autre. La communication du président et du gouvernement a échoué à faire pénétrer l'image d'un président sympathique mais impatient et volontariste dans le grand public. C'est aussi sans doute parce qu'il a lui-même sous-estimé la manière dont les Français veulent voir leur président. Les Français sont restés nostalgiquement royalistes. Ils sont certes devenus républicains, mais ils veulent un monarque républicain, comme les Italiens le disaient de François Mitterrand. C'est ce qui a fait le socle du pouvoir et du prestige du général de Gaulle. L'évolution des mentalités appartient à l'histoire des longues durées. Un président décontracté parlant comme tout le monde, cela sera peut-être apprécié, mais pas avant le XXIIe siècle !


Ils ne veulent pas non plus un président se mêlant trop visiblement de politique politicienne. Un président doit chercher à être un rassembleur autant qu'un bâtisseur ! Dans ce chapitre de la posture présidentielle, beaucoup d'erreurs d'attitude, de déclarations intempestives, de provocations inutiles ou d'interventions inopportunes ont été commises, et Nicolas Sarkozy en est largement responsable. Nul ne peut le nier. Il le paie aujourd'hui dans les sondages. Mais, dans les circonstances de cette terrible crise, qui aurait fait mieux pour la France ? Celle que l'on n'a pas élue ? Chaque Français doit réfléchir à cette question !


Moi, homme de gauche dont les convictions profondes sont intactes, qui ai rompu avec le parti qui était le mien depuis trente ans parce qu'il avait préféré Ségolène Royal à Dominique Strauss-Kahn, j'ai été atterré par l'attitude fermée de la candidate à la présidentielle lors des débats sur la Constitution comme sur les retraites. Atterré et peiné, car, malgré ma rupture, c'est ma famille, et j'en espérais mieux. Le pays, certes, a besoin d'une opposition vigoureuse, mais aussi constructive, qui propose, contribue, innove. Car la route du redressement de la France va être longue. Pour résister à ce terrible défi de la mondialisation, nous avons besoin de toutes les idées.


L'attitude béate de tous les dirigeants européens depuis quarante ans a conduit la belle construction européenne au bord du gouffre. Et ce n'est pas le traité de Lisbonne qui l'en sortira. Le salut n'est pas à Bruxelles, il est à Paris et Berlin. Chacun le sait. Si l'Allemagne aujourd'hui décolle, c'est grâce aux réformes initiées par Gerhard Schröder et mises en oeuvre par le gouvernement de coalition droite-gauche.


Peut-on rêver pour la France que, sur les sujets majeurs, nous nous rassemblions par-delà nos clivages politiques sans pour autant nous confondre ? Car les chantiers majeurs sont devant nous. Rebâtir l'Europe autour de l'axe franco-allemand sans la diluer, rendre notre économie compétitive avec comme finalité première le plein-emploi, remobiliser les jeunes désabusés et désenchantés, dynamiser l'innovation, clé essentielle des portes de l'avenir, mais aussi pour nous, Européens, fils des Lumières, ne pas perdre ce qui constitue notre essence : l'humanisme. Comme le dit très bien Luc Ferry dans son dernier livre, l'enjeu ultime, c'est de ne pas perdre la quête du sens de la vie dans cette mondialisation qui n'en a pas.

 

 Claude Allègre

 

 

 

 

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 11:29

 

 Larges extraits...

 

.......

...Qui ne se souvient, parmi les gens de ma génération, de cette soirée du 9 novembre 1970 où la France apprit que le général de Gaulle venait de mourir ?
 

Il y eut comme une grande stupeur qui saisit le pays tout entier...  Chacun d'un coup se sentit orphelin de celui qui, trente années durant, avait partagé leur vie dans le temps de la plus grande prospérité comme au milieu des pires épreuves que la France ait jamais traversées dans son histoire. Depuis le 18 juin 1940, il s'était peu à peu installé comme une figure familière dans l'univers quotidien des Français. Il s'y était mêlé à leurs passions, à leurs joies et à leurs peines.  

 

Un an et demi auparavant, ils l'avaient congédié, fatigués sans doute de le voir encore et toujours brasser de grands rêves et leur proposer une conception toujours plus élevée, toujours plus exigeante de la France. Maintenant ils se sentaient un peu coupables.

 

Tant de fois dans les circonstances les plus tragiques, les Français avaient vu en lui un sauveur.
Cela avait été le cas en 1940 quand il avait fallu sauver l'honneur.
Cela avait été le cas à la Libération quand il avait fallu rétablir une souveraineté française qui n'allait pas de soi pour tous les alliés et restaurer l'État menacé par l'anarchie.
Cela avait été le cas en janvier 1945 quand il avait fallu s'opposer à l'évacuation de Strasbourg à peine libérée et qui aurait mis la ville à la merci de la terrible vengeance de l'ennemi.
Cela avait été le cas en mai 1958 et en avril 1961 quand la France, à deux reprises, s'était trouvée menacée par la guerre civile.
Cela avait été le cas en mai 1968 quand il avait fallu mettre fin au désordre et à la violence.

......

...Il avait voulu des obsèques d'une extrême simplicité.

Ni décoration, ni honneurs, ni dignité, ni éloge funèbre.

Il avait souhaité être enterré ici, dans son village, entouré de sa famille, des habitants de Colombey et des Compagnons de la Libération.

Il avait voulu tous les honneurs pour l'État. Il n'en avait jamais voulu pour lui-même.

Mais la France entière prit le deuil, et dans l'émouvante simplicité de cet hommage silencieux qui venait du cœur, chacun comprit qu'une page d'Histoire venait de se tourner mais que la leçon qu'elle contenait resterait vivante pour les générations futures.

 

La voix qui s'était tue avait été pendant trente ans celle de la France. Elle l'avait souvent été pour les Français et plus souvent encore pour le reste du monde qui y avait reconnu l'éternelle vocation de notre pays à défendre la liberté des hommes et le droit des peuples contre toutes les forces idéologiques ou matérielles qui prétendaient les asservir.

Il avait pu parfois se tromper. Mais dans tout ce qu'il avait dit et dans tout ce qu'il avait fait, il avait cherché à ce que la France restât toujours fidèle à elle-même, à ses valeurs, à son histoire, à son génie.
Il ne s'était pas contenté de se faire une certaine idée de la France, il s'était constamment battu pour elle dans la guerre comme dans la paix.
Il avait montré que l'on pouvait aimer son pays sans détester les autres.
Il avait toujours agi en partageant avec tous ceux qui l'avaient accompagné cette conviction profonde que si certains pays ne sont jamais plus grands que lorsqu'ils le sont pour eux-mêmes, la France, elle, n'est jamais plus grande que lorsqu'elle l'est pour les autres...

 

...Mais il avait voulu que la France toujours fidèle à elle-même parlât à tous les hommes et tendît la main à tous les peuples.

Jamais l'amour de la patrie, jamais le sentiment national ne s'était confondu chez lui avec la tentation du repliement. Il avait ouvert les frontières, fait le choix de l'Europe et du monde où il avait voulu que la France se donnât toujours les moyens de jouer le rôle de premier plan qui, à ses yeux, devait être le sien.

 

Nulle arrogance dans cette revendication. Il avait assumé simplement cet universalisme qui a toujours été au cœur de la pensée et de la politique de la France.

Il avait cru au plus profond de lui-même que la France était une force d'émancipation, de paix, et de progrès et qu'elle le devait au génie de son peuple, à son histoire, à sa culture, à sa civilisation, à l'équilibre qu'elle avait su trouver entre le sentiment et la raison.

 

Mais à aucun moment il n'était resté prisonnier du passé. Cet homme qui avait incarné les grandes permanences de notre histoire avait été constamment tourné vers l'avenir.

S'efforçant sans cesse de distinguer ce qui change de ce qui ne change pas, il avait toujours su qu'il y avait des héritages intellectuels et spirituels qui nous venaient du fond des âges et que nous ne pouvions pas renier sans nous renier nous-mêmes, mais il avait toujours su aussi que lorsque rien ne change il n'y a pas d'autre issue que le déclin. Depuis le programme du Conseil National de la Résistance jusqu'au referendum de 1969 il n'avait cessé de vouloir moderniser la France.

 

Jamais un homme d'État n'avait compris aussi bien que l'on ne construit rien sur le reniement de soi et que pour s'ouvrir aux autres il faut d'abord être assuré de ses propres valeurs, de son identité.
Jamais un homme d'État ne comprit aussi bien que la haine de soi finit toujours par déboucher sur la haine de l'autre.
Mais jamais non plus homme d'État n'avait été plus soucieux de précéder les événements pour ne pas avoir à les suivre...

 

...Il n'avait pas porté sur l'histoire un regard nostalgique. Il avait voulu voir l'héritage des siècles comme une réalité à partir de laquelle il fallait construire l'avenir.

La sécurité sociale, la planification à la française, la décolonisation, la force de frappe, le nucléaire, le TGV, l'aéronautique, l'espace, l'assurance chômage, l'aménagement du territoire, le plan Rueff, le nouveau Franc, le marché commun, la participation, la régionalisation, c'était regarder loin devant, pour que dans l'avenir, la France ait les moyens de rester la France.
La réconciliation entre la France et l'Allemagne pour que « sans rien oublier du passé, nous regardions ensemble vers l'avenir », c'était regarder loin en faisant passer la raison avant la douleur encore si vive.

La Ve République ; la restauration, en 1958, de l'autorité de l'État ; l'élection, en 1962, du Président de la République au suffrage universel ; c'était aller chercher au plus profond de notre histoire, les principes par lesquels la France allait pouvoir être gouvernée au XXe siècle et au-delà, elle qui avait tant souffert de ne plus l'être depuis si longtemps.

 

De l'histoire, le général de Gaulle avait tiré la certitude que la condition de la grandeur de la France était son unité. Ce souci de l'unité française était l'héritage de dix siècles de royauté, d'empire et de République. Il s'était souvenu que l'État avait toujours été l'instrument et le garant de cette unité. Il avait reconnu les forces qui s'y étaient toujours opposé et qu'il lui fallait combattre : Les forces du conservatisme et les féodalités qui, disait-il, « n'aiment rien moins qu'un État qui fasse réellement son métier et qui par conséquent les domine ». Il avait compris que les féodalités n'étaient plus dans les donjons mais qu'elles renaissaient sans cesse sous d'autres formes et que ce combat n'était jamais terminé.

 

Si la Ve République a permis que la France, si prompte à la division, soit de nouveau gouvernable, c'est au général de Gaulle que nous le devons et à son exceptionnelle capacité à relier les fils du passé à ceux de l'avenir.

Cela n'avait pas été sans mal. Le régime des partis avait résisté autant qu'il avait pu. On avait accusé le Général de forfaiture, de coup d'État permanent. Lui qui avait sauvé deux fois la République avait été soupçonné de vouloir instaurer une dictature. Il avait tenu bon. Heureusement pour la France.

 

Nos institutions sont désormais solidement ancrées dans notre démocratie.

Ces institutions qui, au-delà des changements qui ont permis de les adapter à l'évolution de la société et aux nécessités de la construction européenne, restent fondées sur les mêmes principes, le général de Gaulle les avait d'abord taillées pour lui.

 

Elles étaient l'expression de sa conception élevée de l'État, de la Nation et de la République.

C'est dire que si elles donnent au gouvernement les moyens de gouverner, elles imposent aussi à ceux qui en ont la charge un degré d'exigence inégalé depuis les débuts de la IIIe République. Quand l'exécutif était faible et que les majorités se faisaient et se défaisaient au gré des manœuvres d'appareil, quand les gouvernements ne duraient guère davantage que quelques mois, l'exigence était moindre et se dissolvait dans l'irresponsabilité collective.

 

Le Président de la Ve République, élu directement par le peuple, a vis-à-vis des Français une responsabilité d'une toute autre nature.

Le général de Gaulle avait voulu et fait en sorte qu'il soit en charge de l'essentiel, c'est-à-dire de l'autorité et de la continuité de l'État.

Il avait voulu que le chef de l'État soit l'Homme de la Nation et non d'un parti.
Il avait voulu que ce chef assumât le destin du pays et que par conséquent il fut celui qui fixât les grandes priorités et qui prit les grandes décisions qui préparaient l'avenir.

Le général de Gaulle avait défini lui-même l'étendue de cette responsabilité : « Que, désormais, le Chef de l'État soit réellement la tête du pouvoir, qu'il réponde réellement de la France et de la République, qu'il désigne réellement le gouvernement et en préside les réunions, qu'il nomme réellement aux emplois civils, militaires et judiciaires, qu'il soit réellement le chef de l'armée, bref qu'émanent réellement de lui toute décision importante aussi bien que toute autorité... ».

En plaçant le Président de la République au sommet des institutions le général de Gaulle n'avait pas voulu en faire seulement le gardien de ces institutions. Il avait voulu en faire le garant de l'intérêt général.

Le devoir du Président de la République est de mettre l'intérêt général au-dessus de tous les intérêts particuliers.

Il est parfaitement légitime que dans une démocratie chacun défende ses propres intérêts.
Il est légitime que chacun fasse valoir son point de vue, que chacun exprime son opinion.
Il est légitime que ceux qui veulent manifester, que ceux qui veulent protester puissent le faire dans le respect des lois de la République. C'est leur droit.

Mais le devoir du Président de la République, responsable devant la Nation, c'est de décider sur le seul critère de l'intérêt général...

 

...Je voudrais citer une fois encore le général de Gaulle : « Si la France m'a appelé à lui servir de guide, ce n'est certes pas pour présider à son sommeil ».

Faire ce qu'il y a à faire. Accomplir ce qu'exige l'intérêt national et pour cela chercher inlassablement au milieu des intérêts contradictoires la voie de l'efficacité et de la justice.

 

Chercher entre le capitalisme sans règle et le socialisme la voie de la participation et de la régulation ;
Chercher entre le laissez-faire et l'étatisme la voie de l'autorité de l'État ;
Chercher entre l'injustice et l'égalitarisme la voie de l'égalité des chances ;
Chercher entre les intérêts de chacun, la voie de l'intérêt de tous ;
Chercher entre l'immobilisme et la table rase, la voie du progrès dans la fidélité à ce que nous sommes.

Chercher sous la diversité française l'unité profonde de la Nation.
Rassembler les Français par-delà tout ce qui les divise.

 

Le général de Gaulle n'a jamais reculé devant la nécessité de décider, quelles qu'aient pu en être les conséquences parfois douloureuses, parce qu'il savait qu'en repoussant trop longtemps la décision, les souffrances seraient plus grandes encore.

Il avait conscience que lorsque l'État ne décide pas, ce sont d'autres forces qui décident à sa place et que ce sont alors toujours les plus faibles et les plus vulnérables qui en sont les victimes.

Il avait au plus haut point le sens de l'État et la plus haute idée que l'on puisse se faire de la responsabilité politique.

Ce qu'il avait dit, ce qu'il avait accompli allait imposer à tous les responsables politiques une exigence morale et à tous les Français de se souvenir que lorsqu'ils sont unis dans l'effort ils sont capables d'affronter les plus grandes épreuves et de rendre à la France tout l'éclat de sa grandeur.

Car : « La France vient du fond des âges. Elle vit. Les siècles l'appellent. Mais elle demeure elle-même au long du temps. »

 

Vive la République !
Vive la France !


Nicolas Sarkozy

 

 

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24 octobre 2010 7 24 /10 /octobre /2010 16:50

 

Claude Imbert, Le Point, 21 10  2010...

 

 

Depuis longtemps le peuple français, le plus pessimiste d'Europe, broie du noir. Le conflit des retraites en remet une sacrée couche.

 

Dans ce psychodrame de la dépression française, les syndicats courent d'abord derrière une base indocile, puis derrière une opinion gagnée par le malaise. Et, pour finir, ils courent derrière une jeunesse malade de son avenir. Spectacle pitoyable qu'encense le jeunisme, marqueur des sociétés flageolantes.

 

Quant au pouvoir, acculé par la menace d'une faillite nationale, il court, lui aussi, derrière une rigueur inéluctable. Il la concède par lambeaux, empêtré par la sarkophobie déferlante des maîtres-penseurs et des saltimbanques. Dans cette foire d'empoigne, les maquignons de la chose publique se disputent les enchères de la colère et du chagrin. C'est le grand charivari avec sa volée de casseurs et son envolée de slogans en baudruche : Mai 68 s'enflait de l'utopie libertaire ; octobre 2010 s'enfle de l'utopie égalitaire (les " riches " paieront). L'illusion qui a poignardé le XXe siècle !

 

Un vice envahit la démocratie française : celui du pouvoir de la rue sur celui des urnes. En agitant la comptabilité débile des défilés, une doctrine rampante oppose la " légitimité " populaire à la légalité d'un pouvoir élu. Et - vieux tambour maurrassien ! - le pays réel au pays légal. Malgré la mandature raccourcie du quinquennat, des apprentis sorciers se gargarisent - avec du " peuple " plein le gosier - d'une sorte d'appel souverain qui abolirait les décisions entérinées par le vote. N'y aurait-il donc qu'un peuple en France, celui des grévistes ? Celui qui assèche les pompes à essence et rêve d'un coma économique national ? Celui de l'insoumission à la volonté nationale au gré d'une fièvre d'opinion ? Allons donc ! Derrière ces trompe-l'oeil, l'aventure rôde en coulisses.

 

De gros malins suggèrent benoîtement l'usage du référendum. Outre que les textes le régissant ne sont pas promulgués, on voit bien que, sur une réforme des retraites, la technique manichéenne - oui ou non - du référendum patinerait. Pourquoi ? Parce que la majorité des opposants à la réforme proclament eux-mêmes la nécessité d'une réforme, mais d'une autre... Laquelle ? Comment soumettre à ce " oui ou non " un débat par nature complexe ? Si le Parlement existe, avec ses deux chambres dont on vient de renforcer les pouvoirs, c'est justement parce que le peuple lui confère moyens et capacités de comparer, discuter, amender les perspectives d'un projet exécutif.

 

On n'oubliera pas, de surcroît, la propension française de moins répondre, par référendum, à la question posée que pour ou contre le pouvoir en place. En plein accès de fièvre antiréformiste, nul doute que les Français ne voteraient pas comme des Suisses qui, sur la durée du travail ou l'assurance-maladie, rejetèrent la démagogie : ils voteraient contre Sarkozy. Alors, adieu la réforme ! Et bonjour les précipices !

 

Ce débat inquiétant et de moins en moins oiseux sur la légitimité du pouvoir légal lève un sacré lièvre : celui de l'empire anarchique de l'opinion. Le pouvoir légal ne respire, lui, qu'avec un oxygène : la confiance maintenue dans les institutions. Or de bons esprits (1) s'inquiètent de découvrir, chez nous, les germes d'une " société de défiance généralisée ". Et les signes d'une tension dangereuse pour l'équilibre démocratique.

 

D'un côté, le citoyen use de plus en plus des facultés critiques de l'individualisme croissant. De l'autre, il se trouve de plus en plus dépendant des autres dont il subit l'empire dans la complexité scientifico-technique de nos sociétés. Comme dans la complexité législative, administrative, économique et financière des démocraties développées.

 

Ainsi le citoyen développe-t-il, dans son exubérance critique, le droit de tout juger par lui-même. Tandis qu'il maîtrise de moins en moins les ressorts multiples et complexes de la machinerie sociale. Une contradiction périlleuse dont tous les visionnaires de l'avenir démocratique pressentirent le risque. D'un côté la tentation d'une dénonciation radicale de l'autorité et, de l'autre, la pression multiforme d'un intérêt collectif mal compris. Et dévalué par la médiocrité ou l'exhibitionnisme indécent de ceux qui le représentent.

 

Dans l'affaire des retraites - un cas d'école ! -, l'individu, affranchi d'une confiance consentie à l'autorité élue, refuse les évidences mathématiques du mécanisme de répartition. Mais d'abord parce que sa confiance dans les politiques, les économistes, les juges, les médias n'a cessé de s'éroder. Or la confiance est le fondement démocratique de l'ordre social et national. Les élus doivent en être dignes. Les individus doivent ne pas la refuser par emportement. La démocratie est un privilège précaire de la civilisation : elle se mérite.

 

Claude Imbert

 

1. Dominique Schnapper, et " Le contrat de défiance ", de Michela Marzano (Grasset).

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 08:50

 

Le bouclier fiscal et le financement des retraites reviennent dans l'actualité. Ci dessous mon intervention lors des journées nationales de La Gauche Moderne le 18 septembre.

 

 

Dans les premières pages des Mémoires de Tony Blair, je relève deux phrases, dans lesquelles il évoque  ses adversaires: « Ils dénaturent vos intentions, ils se moquent de votre sincérité, de vos protestations de bonne foi, et du bien public. …Vos adversaires transforment vos envies de changement en atteintes aux libertés fondamentales… » 

 

Comme on le voit, c’est partout la même chose…Le problème c’est quand nos adversaires parviennent à convaincre l’opinion, à lui faire croire que c’est leur interprétation biaisée et trompeuse  de la politique menée  qui est la vraie.    Et aujourd’hui j’ai peur qu’on soit dans cette situation.   

 

En cette fin d’été, la  situation économique est en phase d'amélioration, comme le démontrent les chiffres de la croissance et de l’emploi,   les déclarations sur l'insécurité ont été plutôt bien accueillies par les Français, et pourtant Nicolas Sarkozy ne progresse pas dans les sondages d’opinion. Il stagne à un niveau très bas.  

 

Quelles sont les  raisons de cette désaffection prolongée …de cette « cassure » entre le Président et les Français ?  Elles sont multiples bien sûr :

-         la politique de réforme qui dérange et bouscule des intérêts corporatistes, des habitudes, des privilèges

-         la crise avec les difficultés sur l’emploi et le pouvoir d’achat

-         le comportement du Président qui surprend ou choque…

 

Tout cela joue, mais ce n’est pas l’essentiel, à mon sens.

 

La crise a fait évoluer l’électorat qui n’a plus les mêmes préoccupations qu’en 2007. Déçu, inquiet, désorienté, il  a une préoccupation prioritaire: la justice sociale, ou ce qu'il considère comme tel.

 

Il sait que des réformes sont nécessaires, mais il ne les accepte que s’il a le sentiment qu’elles sont justes et que tous y participent.   

Il sait qu’il y a des difficultés dues à la crise, mais il n’accepte d’en payer une partie du prix que s’il a le sentiment que tous prennent leur part de l’effort indispensable.

 

Or il y a dans l’opinion le sentiment très fort que Sarkozy agit « en faveur de riches », qu’il en est  proche, que sa politique est foncièrement injuste et que seuls les « petits », les faibles,  sont mis à contribution.   C’est faux, ou c’est en tous cas terriblement exagéré, caricatural.

Mais ce sentiment est installé, incrusté habilement dans l’esprit des gens, par l’opposition (politiques et journalistes  mêlés).

 

Aidée, il faut le dire,  par des erreurs de comportement du pouvoir, l’opposition  est parvenue à imposer cette idée de « tout pour les riches, rien pour les gens comme nous ». Et le symbole de cette politique c’est, bien sûr, le bouclier fiscal et l’application concrète, actuelle,  de cette injustice c’est le financement des retraites qui reposerait essentiellement sur les salariés les plus faibles.  

 

Voilà ce dont les électeurs (y compris une partie de  ceux qui votent pour la majorité) sont persuadés.

 

Quelle que soit la  politique économique et sociale du gouvernement, rien ne les  fera changer d’avis, tant que le bouclier fiscal demeurera en l’état. Toutes les  déclarations, tous les efforts, toutes les mesures, ne serviront à rien tant que ce bouclier demeurera et que, subsidiairement, le financement des retraites n’aura pas été revu. C'est la condition d'un retour à la crédibilité du pouvoir. 

 

Alors la politique à suivre est simple :

 

Il faut, compte tenu de la crise, suspendre, pour quelques années, le bouclier fiscal,

 

Il faut faire participer davantage financièrement les hauts revenus et les revenus du capital à la réforme des retraites.

 

La victoire en 2012 s’avèrerait très incertaine si ces deux  mesures n’étaient pas prises. Et n’en prendre qu’une ne serait que de peu d’utilité.  

 

Voilà ce que « La Gauche Moderne » devrait dire publiquement. Parce qu’elle représente le pilier gauche, l’aile sociale de la majorité c’est à elle de faire ces  propositions.

 

Si je comprends que Jean-Marie Bockel soit tenu à un certain devoir de réserve,  un devoir de solidarité gouvernementale, nous pouvons, nous,  parler plus librement et je souhaite que notre Parti puisse faire publiquement ces propositions, puisse   dire cela et le dire avec force.

 

Marc d’Héré

 

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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 13:52

 

Nicolas Sarkozy sait qu’il y a deux tours à l’élection présidentielle.

 

Pour être élu, il sait qu’il aura besoin au tour décisif,  d’un bon report des voix  des électeurs d’extrême droite comme de ceux appartenant à la mouvance « écologico-centriste » c'est-à-dire de  ceux qui, au premier tour auront voté pour Marine Le Pen d’une part,  pour Bayrou et Eva Joly d’autre part.

 

Parce qu’il a lu « Horace » de Corneille, il sait aussi que la meilleure manière de régler plusieurs problèmes est de les aborder l’un après l’autre.

 

La séquence « sécuritaire » de cet été, prolongée par l’activisme de Brice Hortefeux et le travail de fond d’Eric Besson, était destinée  au premier de ces deux électorats. Sans rien renier de ses convictions, sans remettre en cause son action,  c’est par quelques mots, quelques attitudes qu’il s’est adressé aux électeurs d’extrême droite.

Aidé aussi par la sottise de Viviane Reding, qui lui a permis de se montrer ferme face aux empiètements et aux injures d’un  Commission Européenne, détestée par ce même électorat, il a certainement, sans rien abandonner d’essentiel,  marqué des points. Non pas pour détacher ces électeurs du Front National, pour qui ils continueront à voter au premier tour, mais pour s’assurer du bon report de leurs voix au second. La chose paraît entendue.

Quelques légères piqures de rappel seront sans doute nécessaires quelques mois avant l’élection, mais l’objectif est atteint : Nicolas Sarkozy devrait bénéficier d’un bon report de ces voix qui auraient pu être tentées par l’abstention.

 

Reste la deuxième opération, qui sera plus longue mais  sera d’une certaine manière plus facile et  évidente, car correspondant à ses convictions  sociales-libérales, et à la politique menée durant les premières années du quinquennat. Il devrait donc pouvoir aisément agir  pour  convaincre les « écolos-centristes » sans faire fuir la droite traditionnelle qui, si elle ne correspond pas tout à fait à ses convictions profondes,  représente la base de son électorat, et formera sans doute l’essentiel du vote Sarkozy du premier tour.

 

Cette deuxième étape pourrait commencer par la nomination de Jean-Louis Borloo au poste de Premier ministre (ou au minimum par des fonctions ministérielles élargies), par le maintien, ou sans doute la promotion  du seul  ministre d’ouverture à avoir fondé un parti politique de centre gauche, actif et soutenant la majorité : Jean-Marie Bockel, président de  La Gauche Moderne.

Puis, pourront être  prises des mesures, conformes au programme de Nicolas Sarkozy, et   allant dans le sens de ce que souhaite et attend cet électorat centriste : de la réforme de la dépendance, aux mesures de limitation des déficits, d’  une réforme fiscale permettant une plus grande justice sociale à la défense des agriculteurs …Les possibilités sont diverses, elles seront mises en oeuvre.

 

Tous ceux qui, se basant sur le niveau actuel des sondages, prédisent une défaite de Nicolas Sarkozy à la future présidentielle, et de la majorité aux législatives, font une analyse à courte vue. S’il sort dans de bonnes conditions de la difficile mais nécessaire réforme des retraites, ce qui aujourd’hui paraît vraisemblable,  Nicolas Sarkozy pourra regarder l’avenir et les futures élections nationales avec confiance. Et nous aussi.

 

Marc d’Héré

 

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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 10:33

 

Un extrait de "Plus belle la gauche - Pour une Gauche Moderne" de Marc d'Héré et Gilles Casanova. Publié aux Editions de Passy...

 

 

Il est vain d’opposer l’exigence de liberté à celle d’égalité, car, « la liberté n’a de sens que lorsqu’elle est associée à l’égalité [1]». Donner toute sa place à la liberté, interdit évidemment d’en refuser l’exercice à d’autres. Vouloir la liberté, c’est la vouloir pour tous, ce qui passe par la recherche de l’égalité ou de l’équité, ou, selon la belle expression de Monique Canto-Sperber « par la construction de libertés égales ».

 

De quelle égalité parlons-nous ? Certainement pas de l’égalité radicale des situations. Difficilement réalisable, elle n’est pas davantage souhaitable. L’inégalité est une réalité biologique comme une constante de nos sociétés, et, reconnaissons le, elle est aussi un de ses moteurs. Le nivellement, conséquence de l’égalitarisme, déviation et « maladie infantile » de l’égalité, est contre productif, ne pouvant se faire évidemment que vers le bas et ne poussant pas à progresser.

 

Cette constatation ne contredit pas notre volonté de voir se réduire les inégalités, car autant une société de « l’égalité parfaite » serait une société immobile et déjà « morte », autant les inégalités excessives déchirent les sociétés et peuvent les faire mourir. Au-delà d’un certain niveau d’inégalités, il n’y a plus de monde commun, disait Orwell. Il y a des inégalités inacceptables, il peut y en avoir de légitimes ou de tolérables, notamment celles résultant de l’effort, du travail, ou du talent.

 

Si toute inégalité n’est pas une injustice, la suppression des inégalités injustifiées et la réduction des inégalités excessives constituent des exigences. Nous refusons la persistance des inégalités entre les hommes et les femmes, celles s’appuyant sur une origine sociale ou ethnique, celles liées à une orientation sexuelle ou une façon de vivre sa vie privée, celles encore résultant d’une situation privilégiée prédéterminée. Nous refusons les inégalités héritées, bien différentes de celles résultant d’un travail, ou d’une prise de risques. Nous refusons l’idée d’inégalités dont on ne pourrait pas sortir.

 

La gauche française se satisfait de l’existence d’une inégalité de fait au sein de la société en refusant de remettre à plat, dans une perspective de progrès équitable pour tous, les avantages que les salariés du secteur public possèdent sur ceux du privé, en terme d’emploi, de conditions de travail, de retraites, de revenus même pour certaines catégories. Comment se prétendre les défenseurs de l’égalité quand, pour des besoins électoralistes, on fait de la perpétuation de ces inégalités, un objectif politique !

 

L’égalité à laquelle nous aspirons, au-delà de l’égalité de droits et qu’une défense cohérente de la liberté exige, est l’égalité des chances ou, mieux encore, celle que le sociologue Éric Maurin appelle « l’égalité des possibles ». C’est la possibilité, quelle que soit son origine, sa situation, son handicap éventuel, de s’insérer dans la vie sociale ou professionnelle, d’accéder aux biens collectifs – éducation, culture, emploi, santé – et de pouvoir en tirer un même profit. C’est l’égalité dans les opportunités offertes à chacun, et régulièrement renouvelées, d’utiliser au mieux sa capacité d’autonomie, ses talents et sa volonté.

 

De même que notre conception d’une liberté pour agir dépasse la liberté formelle, notre conception de l’égalité nous sépare de l’égalité de principe qui sert d’horizon abstrait à nombre de politiques sociales traditionnelles. Est-ce l’égalité que de vouloir la même école et les mêmes moyens pour tous, alors que l’on sait que les possesseurs d’un patrimoine culturel et vivant dans un environnement privilégié seront ainsi avantagés ? Est-ce égalitaire de laisser chaque individu dans la même situation face à l’emploi quand un jeune d’origine immigrée a trois fois moins de chances d’être embauché qu’un Français « de souche » ? Est-ce égalitaire d’attribuer, pour aider à élever leurs enfants, davantage aux familles aisées qu’aux familles défavorisées, avec des allocations familiales également réparties, ajoutées à un quotient familial qui avantage les hauts revenus ?

 

N’est-il pas plus conforme au concept d’égalité, à la nécessité de l’équité, de construire des dispositifs qui aident concrètement certains individus à combler leur retard ? L’égalité formelle – curieusement baptisée républicaine par certains de ses défenseurs – pensée à travers le prisme de l’uniformité, est en elle même porteuse d’inégalités et vouloir traiter de la même manière des situations différentes est porteur d’injustice.

C’est Louis Maurin, animateur de l’Observatoire des inégalités qui déclare « dans la pratique, l’égalité formelle proclamée par le droit est souvent un paravent qui laisse prospérer les inégalités réelles, compte tenu des avantages dont bénéficient certains. »

On ne peut poser le principe d’égalité en faisant comme si il n’y avait pas de différences au départ entre les individus, et que tous, passant dans le même moule, devaient en retirer le même profit. Quand une inégalité existe à l’origine, l’égalité de traitement est une manière de prolonger cette inégalité, alors qu’une forme d’inégalité compensatrice peut l’atténuer[2]. Il faut donner plus à ceux qui partent avec moins si l’on veut que tous aient des chances comparables de réussite et d’épanouissement.

C’est le moyen de lutter contre l’exclusion sociale. C’est aussi la juste signification de la solidarité et la condition réelle de sa mise en œuvre.

 

Marc d'Héré et Gilles Casanova

 

 



[1] François de Singly

[2] « Pour ma part, je crois que ce qui s’oppose le plus à l’inégalité n’est pas l’égalité mais la différence » Michel Foucault, entretien avec Roger-Pol Droit, 1975.

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