Par FRANCINE GIROND membre du conseil national de la Gauche moderne.
Dans Libération.fr du 03 08 09
La ministre de la Justice devait-il demander au Parquet l’appel pour les prévenus dont les peines ont été inférieures aux réquisitions, dans le procès du «gang des barbares» ?
A contrario, remettrait-on en question la notion de grâce présidentielle, en tant qu’il s’agit du geste individuel d’un représentant de l’Etat au plus haut niveau, qui prend une décision en son âme et conscience ?
On aurait apprécié que ceux-là même qui s’offusquent du comportement de la garde des Sceaux se soient insurgés avec la même ardeur en février 2006 lorsque l’on a découvert l’horreur du calvaire d’Ilan Halimi…
Pourquoi est-il juste que Michèle Alliot-Marie réagisse de cette manière ? Et un appel est une reconsidération, pas un jugement. Parce que ce crime est l’illustration du point de bascule d’une idéologie. Ce n’est surtout pas établir une hiérarchie du monstrueux en matière d’assassinat, que de pointer la spécificité de cette affaire. Cela ne retire rien à la conscience de la souffrance des petites victimes d’un Marc Dutroux ou du martyre de la famille Flactif. Les meurtriers, violeurs d’enfants sont des tortionnaires dont la pathologie perverse est individuelle.
Or, il est question pour Fofana et ses complices, actifs ou collaborateurs passifs, de bien autre chose : leur pathologie antisémite est non seulement idéologique, mais peut encore devenir une pathologie collective, comme cela s’est déjà produit - et se produit encore dans les pays d’un négationnisme et d’une haine d’Etat.
Il s’agit bien ici de justice et pas de vengeance, comme certains médias semblent l’orienter depuis la semaine dernière, en nous opposant deux types d’interviews. D’une part, les réactions de la famille d’Ilan - sa mère ou ses sœurs - et de l’autre, des personnes symboliques qui n’ont aucun lien affectif avec la victime - des représentants de syndicats de magistrats, etc. Ce n’est pas seulement la communauté juive qui doit s’inquiéter, mais la communauté nationale tout entière, car la déshumanisation de la victime au nom d’une pathologie idéologique met en péril notre humanité à tous. Et quand l’humanité est en danger, on peut éviter de rester calme.
Nous, citoyens français, ne devrons jamais nous remettre de ce massacre. Et que nous soyons juifs ou non-juifs, justement parce que le jeune homme a été torturé et exécuté en tant que juif.
La vie et la mort d’Ilan appartiennent à la sphère du privé, du familial, du religieux. Mais l’assassinat d’Ilan Halimi appartient à la sphère collective de notre République : c’est le deuil impossible de notre nation.
Francine Girond
La Gauche Moderne