Nous sommes au cœur de la crise mondiale, à son point le plus aigu, le plus douloureux, il n’est donc pas surprenant, compte tenu des coutumes françaises, que se déploient grèves et manifestations (même si, curieusement, la majorité de ceux qui manifestent, les agents du public, sont ceux qui souffrent le moins de la crise).
La journée de protestation du 19 mars a été importante, elle a montré la grande inquiétude et le désarroi de la population, mais je ne pense pas qu’elle ait témoigné, contrairement à ce que prétendent la plupart des commentateurs, une montée de la contestation vis-à-vis du gouvernement. Plusieurs faits illustrent cette opinion.
Les grévistes de la fonction publique ont été nettement moins nombreux que lors du 29 janvier dernier et si les manifestations ont attiré davantage de monde (environ 10% de plus), cela est sans doute dû au grand beau temps, à la présence accrue d’étudiants et de lycéens, et au plus grand nombre de manifestants du privé, victimes de licenciements ou menacés de plans sociaux. La crise a comme principale conséquence une progression très rapide du chômage, et les nouveaux chômeurs ou ceux qui craignent très directement pour leur emploi viennent très naturellement grossir les rangs des mécontents, des protestataires et donc des manifestants.
Mais ce n’est pas directement et prioritairement contre le gouvernement que ceux-ci manifestent: le Medef qui fait preuve de cécité et d’intransigeance, les patrons qui licencient brutalement ou qui refusent de négocier étaient - à la différence de ce que l’on avait constaté lors de la journée du 29 janvier - tout autant la cible des manifestants que le gouvernement et sa politique.
D’ailleurs, la moyenne des 8 sondages d’opinion réalisés au mois de mars vient confirmer que le gouvernement et le Président ne subissent pas une baisse de popularité, mais au contraire même une légère remontée par rapport au mois de février.
La réponse du gouvernement à cette journée de protestation a été responsable et sensée: pas de nouvelles mesures sociales immédiates, évaluation dans les prochains mois, avec les partenaires sociaux, des importantes mesures déjà prises et de leurs effets ; corrections éventuelles et mises en œuvre de mesures complémentaires si cela s’avère nécessaire.
A cette réponse s’ajoute le plan très ambitieux de Martin Hirsch sur l’emploi des jeunes, qui propose à 30.000 jeunes de s’engager dans un service civique avec une rémunération minimum, et une aide importante de l’Etat pour aider à l’embauche de jeunes dans les entreprises (1,5 milliards remboursés progressivement par les entreprises).
Doit-on faire plus ? Il y a eu, au sein de la majorité un débat sur des mesures propres à faire participer davantage les très hauts revenus à l’effort national. Pierre Méhaignerie envisageait une contribution exceptionnelle, et limitée aux années 2009 et 2010, pour les revenus annuels supérieurs à 300.000 euros. Cette contribution, qui serait venue abonder le fonds d’investissement social créé à la demande de la CFDT, était un moyen de répondre au sentiment que la politique menée n’était pas assez équitable et que l’on demandait moins d’efforts financiers aux plus riches.
Correspondant à la réalité ou non, sans doute exagéré, ce sentiment, largement partagé en tous cas méritait une réponse et celle proposée par Pierre Méhaignerie était, à mon avis, la bonne. Le gouvernement n’a pas jugé opportun d’aller dans ce sens. L’idée ne doit pas être abandonnée et il faudra l’évoquer à nouveau, même si le refus de François Fillon et de Nicolas Sarkozy de la prendre en compte a sa cohérence et peut se comprendre.
Quoiqu’il en soit, face à une situation qui restera encore très difficile pendant quelques mois, les premiers effets positifs du plan de relance et des mesures sociales, les résultats que l’on peut espérer significatifs de la réunion du G20, le 2 avril à Londres, et l’action à la fois responsable et ouverte du gouvernement, peuvent contribuer à faire, lentement, diminuer l’inquiétude et renaître un début de confiance, condition nécessaire à une réelle reprise.
Marc d’Héré