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 RECONQUÊTE est un  mouvement en construction. Ce n'est pas un parti politique, mais un Cercle de Réflexion et d'Action, ouvert à tous ceux, à quelque parti qu'ils appartiennent, ou sans parti, qui se reconnaissent dans ses valeurs et  principes. La Responsabilité et l'équivalence entre droits et devoirs à tous les niveaux,  le libéralisme économique,  la solidarité,  le choix d'une évolution réaliste et progressive dans le social et le sociétal,  l'Europe... 

 

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24 janvier 2009 6 24 /01 /janvier /2009 18:31

Chantal Delsol, philosophe et essayiste, revient sur la notion même de libéralisme, galvaudée par ses détracteurs depuis la crise.

Le Figaro du 30 10 08

Dans l'atmosphère inquiète de la crise financière mondiale, on a vu ces derniers temps les États voler au secours de certains établissements privés pour compenser les déficits, dans le but de rendre la confiance aux particuliers et d'empêcher une débâcle économique. Depuis les États les plus attachés au libéralisme, comme les États-Unis, jusqu'à ceux acquis depuis peu au libéralisme, comme la France.

La presse et l'opinion antilibérales ont lu dans ces décisions une sorte de conversion au socialisme, à tout le moins un changement de cap devant les perversions du libéralisme, nouvellement découvertes. D'où des propos triomphalistes du genre «on vous l'avait bien dit…», ou «les voilà enfin rattrapés par la réalité…»

Pourtant, il n'y a là rien d'étonnant ni de nouveau. L'ingérence de l'État dans les affaires privées, accueillie comme une merveilleuse bonne nouvelle pour les tenants de l'étatisme, représente tout simplement pour le libéralisme la réponse à certaines situations bien précises. En leur temps, John Stuart Mill et Frédéric Bastiat le voyaient déjà ainsi. Les antilibéraux demeurent prisonniers de leur vision simpliste du libéralisme, qu'ils décrivent depuis des décennies comme un «ultralibéralisme». C'est leur excès dans l'identification de leur adversaire (excès dû à des causes militantes et idéologiques), qui les entraîne dans la mécompréhension des phénomènes actuels. La tendance, notamment en France, qui consiste à assimiler le libéralisme à l'anarchisme («le renard libre dans le poulailler libre», voilà ce qu'en donnent encore comme définition la plupart de nos étudiants, bien aidés en cela par leurs enseignants), tient de l'idéologie qui consiste à noircir l'adversaire en l'extrémisant, de façon à l'offrir facilement en vindicte à l'opinion.

Je ne dis pas qu'il n'existe pas des libéraux anarchistes, mais ils représentent une infime minorité, et la position idéologique consiste justement à identifier l'adversaire à sa minorité extrême, comme si nous autres libéraux étions assez idéologues ou assez crétins (au choix) pour identifier à longueur d'année le socialisme à Pol Pot.

Tout d'abord, le libéralisme n'a jamais prétendu qu'il devait se passer de lois, et bien plutôt il a toujours été persuadé qu'il ne saurait se développer valablement que sous des lois régaliennes précises et obéies. Mais, au-delà, il faut préciser (ce qui est moins simple et moins connu) que les libéraux défendent dans la plupart des cas une doctrine qui tient la liberté pour essentielle, mais non pas exclusive.

Ce qui les différencie des socialistes et en général des tenants de l'étatisme, c'est leur adhésion au principe de subsidiarité. Lequel réclame que l'État ne s'ingère pas dans les affaires privées tant que les privés accomplissent leur tâche sans nuire à l'intérêt général ; mais réclame au contraire l'ingérence de l'État lorsque la sphère privée se trouve insuffisante, débordée ou corrompue.

Le principe d'un libéralisme bien compris renvoie à cet égard aux préceptes des ordolibéraux du milieu du XXe siècle (dont la mouvance fut l'artisan de la renaissance de l'Allemagne après guerre) : «liberté autant que possible, autorité autant que nécessaire», ou encore, plus précisément et pour illustrer le domaine qui nous occupe en ce moment : «libéralisation autant que possible, nationalisation autant que nécessaire».

Les États-Unis se rallient à ces principes, et c'est en leur nom par exemple qu'après le 11 Septembre le gouvernement américain s'était ingéré dans les affaires de certaines compagnies d'aviation, provoquant aussitôt en France une vague de triomphe carrément stupide sur la conversion américaine à un certain étatisme…

Toute la question se trouve simplement dans la détermination du moment précis où le privé se trouve insuffisant au point que l'ingérence de l'État doive se déclencher : d'où les débats récents qui ont eu lieu aux États-Unis concernant le financement public de certaines banques. Mais le principe reste sous-jacent.

On ne peut comprendre le libéralisme ordonné que si l'on reconnaît la spécificité des situations exceptionnelles. Depuis Cicéron, la passion de la liberté a bien conscience que cette dernière doit laisser place à l'autorité gouvernante en cas de péril - la difficulté restant naturellement de définir le péril. La liberté demeure ici le moyen le plus humaniste pour viser la finalité suprême qui est l'intérêt général, sachant que dans certains cas l'autorité doit se substituer à la liberté pour voler au secours de l'intérêt général en danger.

Nos contemporains ont beaucoup de difficulté à admettre un traitement différent de la situation ordinaire et de la situation extraordinaire, car ils comprennent cette dernière comme un prétexte livré aux apprentis dictateurs qui légitimeraient ainsi leur sale besogne. Et le risque existe, en effet, mais peut-être vaut-il la peine de le courir pour obtenir un équilibre salutaire de la liberté et de l'autorité, la seconde garantissant la première.

Les Français, éduqués par des économistes bien souvent étatistes, restent persuadés que nous nous trouvons devant une alternative : l'ingérence permanente de l'État ou la terrible anarchie illustrée par «que le plus fort gagne» (et que le diable emporte les traînards). Il y bien longtemps que cette alternative a été dépassée par le libéralisme ordonné, ce que démontrent à l'envi bon nombre de pays épargnés de nos doctrinaires désuets.

Il est préjudiciable qu'en France les gouvernants eux-mêmes semblent encore marqués par la certitude de ce dilemme funeste, et ne soient pas capables d'expliquer clairement aux citoyens comment fonctionne et à quoi peut servir un libéralisme ordonné. Peut-être que cette crise permettra une ouverture d'esprit salutaire : mieux vaut tard que jamais.

Chantal Delsol
Le Figaro du 30 10 08

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commentaires

G
Voilà bien une prise de position idéologique typiquement française. Pourquoi opposer des dogmes alors que seul un pragmatisme permettant de combiner plusieurs solutions issues de doctrines différentes pourra nous sortir d'une crise, provoquée par des jeux spéculatifs qui se réclamaient de la liberté d'entreprendre. Chantal Delsol emportée par sa défense d'un modèle, issue d'une histoire qu'elle connait bien ,mais concernant un présent qui lui échappe, comme à la majorité des observateurs, ne semble pas voir que le sauvetage pur et simple d'un libéralisme mal régulé reviendrait une fois de plus à faire payer par le plus grand nombre les excès, la cupidité de quelques uns. Le libéralisme n'a pas à être moral, pas plus que le socialisme ou l'étatisme. Ce sont des doctrines par nature amorale. Mais elles servent trop souvent de paravent à des conduites immorales guidées par l'appétit de pouvoir ou le lucre, sans aucune considération de l'intérêt général. L'Etat, le contribuable , ne peuvent pas toujours payer les ardoises laissées par des joueurs sans scrupules en ne tentant pas de corriger les excès qui ont abouti à ces dérèglements pour rester fidèles à la doctrine libérale!
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M
José Maria Aznar au Figaro le 23 janvier:<br /> <br /> La crise économique ne signe-t-elle pas l'échec du libéralisme ?<br /> <br /> Ce n'est certainement pas l'échec du libéralisme, mais l'échec des mécanismes actuels de régulation et d'intervention de l'État dans un secteur qui est pourtant déjà très régulé, le système bancaire. C'est comme en politique. Lorsqu'on élit un mauvais gouvernement, cela ne remet pas pour autant en cause la démocratie.<br /> <br /> Que préconisez-vous pour sortir de la crise ? <br /> <br /> Nous avons l'obligation de sauver les banques<br /> car, sans un système financier solide, il n'y a pas d'économie qui tienne. Mais il faut surtout faire des réformes économiques. Plus de flexibilité et de liberté dans l'économie, moins de taxes, moins de dépenses, plus de stabilité budgétaire, moins d'intervention de l'État.<br /> <br /> Le Figaro
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