Les limites à la double nationalité
Le billet d’Eric SEYDOUX
Jusqu’à ce que l’on connaisse le résultat du vote des franco-tunisiens aux élections tunisiennes pour élire une Assemblée Constituante, je ne voyais pas l’inconvénient qu’il pouvait y avoir à posséder une double nationalité et le débat qui avait été ouvert sur ce sujet, en particulier par la droite républicaine, n’avait mis en évidence aucun argument de nature à rendre pertinent une remise en cause de cette situation.
D’autant que ce débat était fondé sur un procès d’intention, fait aux binationaux issus des pays arabo-musulmans, consistant à dire, selon l’expression de Jean-Marie LE PEN, qu’ils étaient « des français de papier ».
Il y avait certes des indices, mais très insuffisants, pour laisser penser que ces franco-tunisiens étaient plus tunisiens que français. On rappelle à cet égard les incidents survenus à l’occasion d’un match de football, lorsque des milliers de tunisiens, ne se contentant pas d’encourager le pays de leur origine, ce qui n’est nullement choquant, sifflèrent l’hymne national au stade de France, qui pour le temps d’un match devint terre étrangère. Folklore communautaire avait-on dit...
Avec le vote démocratiquement exprimé par les tunisiens de France, qui pour la plupart ont la nationalité française, qui vivent en France depuis de nombreuses années et qui pour beaucoup y sont nés, les choses se sont clarifiées. En votant majoritairement en faveur d’ENNHADHA, choix tout à fait respectable, ils ont par la même fait valoir que nombre d’entre eux avaient opté majoritairement pour un parti dont l’histoire et les références, peuvent faire penser que sa vocation est de s’éloigner de certains des grands principes républicains, contenu dans le bloc de constitutionnalité, fondement intangible de la nation française au sein de l’Europe.
Il y a des marqueurs de la nationalité française : laïcité, égalité entre homme et femme, prohibition de la répudiation et de la polygamie, prohibition du voile intégral dans l’espace public, prohibition de l’homophobie, des châtiments corporels…. Il s’agit de règles qu’un citoyen français ne peut transgresser, même en invoquant sa seconde nationalité et même s’il se trouve dans le pays de sa seconde nationalité. Ces principes sont si forts, si inhérents à la qualité de français, qu’ils ne peuvent disparaître aux frontières de la France pour ceux qui ont la nationalité française.
On peut donc avoir deux ou plusieurs nationalités, à une condition essentielle, que ces nationalités soient compatibles entre elles.
L’immigration européenne n’a posé aucun problème car il s’agissait de peuples dont les mœurs et les valeurs étaient parfois différentes, mais totalement conciliables avec celles de la société française.
Les binationaux issus de l’immigration des pays arabo-musulmans, devenus français souvent par nécessité économique, rejettent cette nationalité plus parce qu’ils ont l’impression d’avoir trahi la nation de leur cœur, que par adhésion à des valeurs d’un autre âge.
La nationalité étant constituée de deux éléments de nature différente : un sentiment d’appartenance à une nation, que l’on exprime justement par l’adhésion à ses mœurs et à ses valeurs et l’octroi d’un statut juridique créateur de droits et d’obligations, pourquoi alors ne pas accorder aux immigrés qui le souhaitent, un statut juridique suffisamment protecteur, afin qu’ils ne soient pas obligés de subir une nationalité qui ne correspond pas à leurs aspirations profondes ?
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Eric Seydoux