Crise économique, Grenelle de l’environnement, réforme des institutions… L’ancien Premier ministre de Chirac passe en revue l’actualité politique. Il juge que Nicolas Sarkozy s’en sort plutôt bien. Et confirme que Bordeaux est son unique priorité.
Propos recueillis par Nathalie Segaunes Le Parisien.fr | 30.07.2008, (EXTRAITS)
.........Quelle analyse faites-vous de la situation économique de la France ? Une amélioration est-elle possible ?
Alain Juppé. On ne peut juger la situation de la France que par rapport au contexte international. Or la conjoncture est difficile en ce moment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Espagne. Mais il y a aussi des éléments positifs, par exemple les taux de croissance élevés des nouveaux Etats membres de l’Union européenne. C’est une situation en réalité très contrastée. En France, le prochain trimestre ne sera pas brillant. Heureusement, des politiques de fond ont été engagées par le passé et amplifiées depuis un an.
Vous qui avez été un éphémère ministre de l’Ecologie en 2007, que pensez-vous de la mise en place du Grenelle de l’environnement ?
Le Grenelle en lui-même a été réussi. Il faut attendre le passage à l’acte, c’est-à-dire la loi, qui arrive en octobre. Mais tout va dépendre des crédits budgétaires. Il y a là un vrai défi. Va-t-on dégager les moyens financiers suffisants ?
Vous avez exprimé récemment votre désaccord avec Nicolas Sarkozy sur le retour de la France dans l’Otan…
Je n’ai pas exprimé de désaccord, c’est une bonne idée. Avec Jacques Chirac, en 1995, nous avions posé deux conditions à ce retour : que les Etats-Unis acceptent de partager le pouvoir, et que l’Union européenne progresse dans la mise en oeuvre de sa propre sécurité. Nicolas Sarkozy renoue aujourd’hui avec ce projet, en reprenant les mêmes conditions. J’ai eu le plaisir de recevoir une lettre du président de la République me disant : « C’est exactement ma démarche. »
Vous avez fait savoir que les élections européennes, qui auront lieu en juin 2009, ne vous intéressaient pas. Etes-vous en train de vous désinvestir de la vie politique nationale ?
J’ai dit aux Bordelais il y a moins d’un an que je me consacrerai à mon boulot de maire totalement. Je fais donc mon travail de maire de Bordeaux. Sans me désintéresser de ce qui se passe au niveau international. Mais je n’ai pas l’intention de reprendre une activité nationale opérationnelle dans les mois qui viennent.
Quel jugement portez-vous sur l’opposition de gauche ?
Elle m’attriste beaucoup. Il n’y a pas de démocratie sans une opposition crédible. Or le PS donne une image de désarroi total. Cela laisse la voie libre à l’extrême gauche, qui n’a rien à dire de sérieux. Ce n’est pas sain.
« Matignon, c’est un poste terrible . Moi, j’étais en très bonne forme et je n’ai pas eu de difficultés relationnelles avec le président »
Vous qui connaissez bien Bertrand Delanoë, lui voyez-vous un destin à la Chirac : maire de Paris puis président de la République ?
Je le connais bien en effet, je l’ai battu au moins trois fois ! Aux municipales de 1983, de 1989, et aux législatives de 1988, dans le XVIII e arrondissement de Paris. Je ne pense pas qu’il suivra la trace de Jacques Chirac. Je ne suis pas très sensible à son charisme. C’est une personnalité dure et assez sectaire. Et pour l’instant, à part Paris-Plages et Vélib’, je n’ai pas constaté de grandes transformations dans la capitale.
La réforme des institutions et l’hyperprésidence de Nicolas Sarkozy changent-elles la nature du régime politique ?
Ce qui a changé la nature du régime, c’est le quinquennat, et la séquence élection présidentielle suivie des législatives, une réforme que Jacques Chirac a initiée en 2000. Il fallait ensuite rééquilibrer les pouvoirs entre le président et le Parlement, ce qui vient d’être fait avec la réforme des institutions, qui est une bonne réforme. Le plus important n’est pas que le président vienne s’exprimer devant le Congrès, mais l’ordre du jour partagé, la limitation du 49-3 ou le contrôle de la politique du gouvernement par le Parlement.
Vous avez vu Jacques Chirac récemment, comment va-t-il ?
Je l’ai vu il y a quinze jours, il a bien repris du poil de la bête, il a retrouvé une grande sérénité.
Et Nicolas Sarkozy ?
Il était à Bordeaux vendredi, nous avons eu un petit tête-à-tête, toujours très direct, comme d’habitude avec lui. Je trouve que ce qu’il a fait depuis un mois a été bien mené, que ce soit l’Union pour la Méditerranée, le 14 Juillet ou la réforme des institutions.
Il est entouré de quelques-uns de vos amis, comme Xavier Darcos, Xavier Bertrand ou Eric Woerth…
Oui, et ils sont parmi les meilleurs ministres ! Ça prouve que j’avais de bonnes relations ! (rire)......
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