A l’occasion de cette réunion du 29 juin, Jean-Marie Bockel a prononcé un discours divisé en trois parties : Comprendre, Rassembler, Agir. Aujourd’hui je vous propose la troisième partie.
Agir
La politique n’a pas de sens si finalement elle doit critiquer sans proposer.
Etre de gauche c’est savoir s’opposer à des intérêts, même puissants, des privilèges, des avantages, même anciens, lorsque c’est nécessaire, pour ne pas laisser passer le moment de faire les réformes dont le pays a besoin. C’est aussi de proposer dans la mise en œuvre de ces réformes la répartition équilibrée des efforts qui en fera des reformes justes.
Agir c’est être là où se fait l’Histoire, là où se construit la France de demain, pas être sur le nuage de nos souhaits et de nos rêves ! Agir, aujourd’hui, en France, c’est être, avec Nicolas Sarkozy, dans la majorité présidentielle, au gouvernement, pour la réforme juste,!
Mettre en œuvre, rapidement, et avec pragmatisme, les réponses nécessaires :
Pour ce qui concerne la Cohésion sociale, que notre pays a besoin de retrouver ou de conforter, je voudrais vous dire que c’est tout l’enjeu des réformes en cours. Et que sur ce sujet, notre sensibilité de gauche est bien à sa place dans la majorité présidentielle et le gouvernement pour apporter un regard utile. Nous savons que les réformes ne sont bien acceptées dans une société que si elles sont justes, ou ressenties comme telles. C'est le cas pour beaucoup de l’immense travail gouvernemental et les Français, au fond, les soutiennent. Pourtant nous voyons qu’il existe dans l'opinion un sentiment que les « riches » sont proportionnellement moins mis à contribution que les autres, et que l'essentiel des efforts reposent sur les classes moyennes voire sur les plus défavorisés. Ce sentiment est pour une large part exagéré. Mais il existe, et n'est pas toujours infondé. Il m'apparaît donc nécessaire et urgent que soit prises des mesures qui mettent davantage à contribution les plus aisés : deux pistes pour cela: s'attaquer aux niches fiscales et notamment à leur plafonnement, en allant beaucoup plus loin que ne l'a encore envisagé le gouvernement; taxer les stock options est par exemple un geste de nature à montrer la recherche d’équilibre dans la Réforme qui est ne nature à renforcer la cohésion de la société.
D’autre part, toujours en matière de cohésion sociale, il faut ouvrir des perspectives simples clairement compréhensibles pour les salariés dont les métiers ou les entreprises peuvent, un jour ou l’autre, être en danger. Dans ce but j’ai déjà proposé de doter chaque français d'un compte mobilité, qui garantisse les moyens de faire face à ses besoins qu'il s'agisse de compléter sa formation, de quitter un secteur sinistré avant d'être licencié ou d'accompagner un projet personnel. Cette idée simple et réalisable me semble mériter d’être mise en ouvre. Ce compte qui appartiendrait au citoyen, le suivrait quelle que soit sa situation ou son entreprise. Il serait abondé à la fois par l'Europe, pour les secteurs touchés par la mondialisation ; par l'Etat, pour ceux qui ont quitté le système scolaire de façon anticipée; par l'entreprise, pour ceux qui ont été confinés dans des spécialisations sans issue; et par le salarié qui souhaite préparer un projet de mobilité. Ce dispositif s’harmonise avec l’incitation à la reprise d’activité que sera la réforme des minima sociaux et la possibilité de les cumuler avec les revenus d’un emploi, dans le cadre du revenu solidaire d’activité pour lequel je me bats depuis longtemps et que le gouvernement a mis à son programme ;
La reforme, sur le terrain économique, est indissociable de celle qui peut être menée sur le terrain social. Si nous voulons des avancées sociales significatives, il faut les financer. Comment les réaliser sans introduire de la respiration, du jeu, de la flexibilité dans notre système économique. Il ne s’agit pas de choix idéologiques, mais de réalité pratique, il faut libérer la société française de ses lourdeurs sur le plan économique, faute de quoi rien ne permettra de dégager les marges nécessaires au progrès social.
Il faut encore faire énormément de choses pour enfin libérer l’énergie créatrice de tous les entrepreneurs. Je pense surtout aux milliers de PMI et PME, qui sont, dans notre pays, le berceau de l'innovation et de l'emploi, pour permettre de créer plus de richesses si nous voulons être en mesure de les partager mieux. Il faut aussi, dans cet esprit, trouver les moyens, les mesures qui pourront permettre d'associer mieux chacun, salarié et employeur aux bons résultats de l'entreprise commune. Je ferai prochainement sur ce sujet des propositions précises et efficaces, dans le but de permettre aux entrepreneurs d’aller vers le succès en mettant toute l'entreprise dans le coup. C'est ainsi que la France se défendra dans la mondialisation;
Pour ce qui est de la Réforme de l’Etat, chacun voit qu'il est trop lourd dans son fonctionnement, trop lent à produire des résultats, et trop cher, pour nos moyens budgétaires. Dans le même temps il apparaît incapable d’accomplir correctement les missions qui sont les siennes, et que les citoyens sont en droit d'attendre de lui. Il faut, par exemple, évaluer, avec la perspective que donne le temps, les réformes réalisées depuis la décentralisation, qui a changé le paysage de l'Administration française. Examiner dans les procédures mises en place, celles qui sont pertinentes et celles qui mériteraient d'être simplifiées, ou précisées. Il n'est pas bon pour la clarté et l'efficacité que cinq ou six organismes, les uns au dessus des autres - commune, communauté de communes, syndicats intercommunaux, pays, département, région, état - s'occupent concomitamment des mêmes choses comme cela arrive parfois. Les français ont du mal à comprendre qui est vraiment le responsable, ce qui leur saute aux yeux, c'est que tous utilisent pour réaliser les opérations dont parfois chaque entité se vante, le même argent : celui de leurs impôts.
La réforme de la constitution, est aussi un moment important de la réforme. Chacun sait combien les mesures qu’elle contient, tant en termes de revalorisation du rôle du parlement qu’en matière de rapprochement des citoyens de la décision politique, constituent de véritables avancées attendues depuis si longtemps par nos concitoyens. Sur ce sujet, où sont, où seront les socialistes au moment du vote ? Je le demande à François Hollande et à Jean-Marc Ayrault : les socialistes seront-ils libres de voter ce texte selon leur conscience ? Alors que ce sont les électeurs et les sympathisants de la gauche qui, depuis tant d’années, ont exprimé le plus clairement leur souhait de ces réformes, ne serait-il pas paradoxal de voir les dirigeants des partis de gauche faire échouer, lors du Congrès, par un vote négatif, toutes ces avancées ? Certes, le projet gouvernemental ne reprend pas l’intégralité des propositions de la gauche, mais si les électeurs avaient souhaité cela, ce sont les partis de gauche qu’ils auraient porté à la direction des affaires de notre pays D’un autre côté, le Sénat doit il détricoter le travail d’une commission qui a produit une synthèse très avancée de réflexions venues d’horizon divers et dont le travail a guidé ce texte…
Il y a près de 40 ans lorsque Charles De Gaulle a proposé une grande réforme du Sénat, la gauche n’a voulu voir que sa position d’opposition et a refusé cette occasion. Depuis elle ne cesse de crier l’urgence de la réforme du Sénat. Va-t-on revoir les mêmes erreurs ? Devra-t-on attendre 40 ans encore la modernisation de nos institutions ? Tous ensemble, il faut attraper le train de la réforme constitutionnelle dont la démocratie française a besoin.
Le renforcement et l'approfondissement de la construction européenne sont la clef de notre avenir. Aujourd'hui au temps de l'économie-monde et du village planétaire, l'Union européenne est l'instrument indispensable qui, seul, est à la taille de cette réalité. Mais il est perçu souvent comme lointain, incompréhensible dans ses décisions, inutile même aux yeux d'une partie de nos concitoyens, en France et dans les autres pays de l'Union. Comment ne pas remarquer que ce sentiment existe, même si nous pensons que ce sont bien souvent de faux procès qui sont faits, nous ne pouvons laisser perdurer cet état de fait qui n'est pas bon pour l'avenir. Comme nous le montre le non irlandais. Ce n'est pas en mettant de côté nos convictions européennes que nous passerons les caps difficiles.
C'est avec plus, d'Europe mais surtout avec mieux d'Europe, que nous y parviendrons. C'est en montrant par des actes et des réalisations visibles que le pouvoir propulsif de l'idée et de la réalité de l'idée européenne n'ont rien perdu de leur force, que nous relancerons l'enthousiasme légitime que doit susciter ce projet. Ce projet, qui garantit depuis 50 ans la paix et la prospérité sur notre continent. A quelques heures de la Présidence française de l'Union, il nous incombe de faire avant l'automne des propositions concrètes, pratiques et efficaces en ce sens. Nous ne devons pas tout miser sur la mécanique institutionnelle. Il faut tout de suite réaliser, renforcer des politiques concrètes [au besoin en commençant avec ceux qui le voudront bien]. La politique agricole commune est fondamentale pour permettre à l’Europe de jouer son rôle dans la crise des prix que connaît le marché mondial des produits alimentaires. La politique industrielle est vitale pour l’emploi, si nous voulons mettre fin au mouvement de délocalisation et reprendre un leadership mondial que nous pouvons, ensemble, assurer dans de nombreuses spécialités. Ce que je fais à mon niveau ministériel pour les industries de défense, l’union doit le faire au sien pour donner un coup de booster à notre commerce extérieur. Il faut agir tout de suite, de façon décidé, flexible, pragmatique, c’est ainsi qu’avancera l’Europe et pas seulement par de « grosses machines » institutionnelles, certes remarquables, et que nous soutenons tout à fait, mais que l’on met dix ans à écrire, débattre et faire adopter…
Loin de la morosité, parfois entretenue par certains medias - un peu par habitude, il faut bien le dire- nous avons lieu d'être fiers de l’action du gouvernement. Bien sur il y a des difficultés, et nous ne voulons pas les masquer : mais ce sont les difficultés réelles du monde dans lequel nous sommes entrés. Ces difficultés, il faut dire qu'elles frappent d'abord et surtout ceux pour qui les politiques passées n'ont pas préparé suffisamment à temps l'adaptation aux nouvelles conditions du marché du travail, aux nouvelles exigences de la production à l'heure du tout numérique. Lorsque les gouvernements ne réforment pas à temps ce sont les plus faibles qui paient tôt ou tard. Ce que nous voulons faire, c'est ne laisser personne sur la sur le bord du chemin de l’avenir. C'est seulement ainsi que l'on réhabilitera durablement la valeur du travail : en lui permettant de créer de vraies richesses.
Je voudrais, puisque je parle avec vous un langage de vérité, être direct sur un sujet ou l'émotion a trop servi de prétexte à la lâcheté et à l’inaction. La politique de l'immigration, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, n'a jamais été traitée que sur un mode tantôt excessif (l'immigration zéro) tantôt compassionnel (les régularisations), qui chacun leur tour ont justifié l'inaction. Alors qu'il fallait commencer par des constats raisonnables, l’arrêt total des flux migratoires n'était ni possible, ni souhaitable. L’idée «d’immigration zéro», n’a eu pour résultat que de favoriser l’immigration illégale et clandestine. Il fallait construire les règles et les dispositifs d'une immigration légale, tournée vers le travail. Il fallait élaborer de nouvelles idées et de nouvelles pratiques qui, pourraient, appliqués à la France, préfigurer les grandes orientations de la future politique que pourrait adopter l'Union européenne, pour laquelle ce problème est un vrai défi. Je proposais déjà il y a quelques années de s'engager résolument sur la voie d'une politique de sélection et de co-développement avec les pays d'origine des migrants. Il fallait définir les contours d'une politique ouverte et raisonnée de maîtrise des flux migratoires, privilégiant le principe d’une régulation à la fois responsable et généreuse, et j'avais fait nombre de propositions précises en ce sens. Tout ce travail de réflexion et de proposition existait, qu'en a-t-on fait alors ? Rien ! Des années de retard ont été prises par notre pays. Une réforme est juste non pas à partir d’a priori idéologiques. C’est à ses résultats qu’il faut la juger. L’aurions nous fait mieux si nous l’avions fait alors avec les responsables de gauche qui l’ont refusée quand ils pouvaient la faire ? Nul ne peut le dire, mais nous aurions fait notre devoir en le faisant, il y a plus de dix ans.
Car, plus tôt sont faites les réformes, plus profondes elles sont, plus efficace est leur action, et plus elles constituent une garantie pour l'avenir de tous. C'est ce que fait le gouvernement auquel j'ai l'honneur de participer et auquel la gauche moderne apporte son soutien dans cet esprit. Un soutien dynamique et constructif, un soutien loyal. Et bien sur un soutien sincère, qui sait que, comme le disait déjà Beaumarchais, sans la liberté de blâmer il n'est point d'éloge flatteur.