Extraits d'un article d'Anne Rovan dans Le Figaro du 20 novembre...
C'est une tradition ancienne. Les secrétaires d'État sont souvent à l'étroit dans leurs attributions et vivent mal la cohabitation avec leur ministre de tutelle. Qui, eux-mêmes, rechignent à leur reconnaître trop d'indépendance.
La grande explication aura donc bien lieu. Michèle Alliot-Marie déjeune aujourd'hui avec Jean-Marie Bockel à la Chancellerie. Après cinq mois de relations à fleurets mouchetés, la ministre de la Justice a proposé cette rencontre à son secrétaire d'État.
Leur mésentente n'était jusqu'à présent qu'une rumeur. Mais elle a éclaté au grand jour le week-end dernier. Bockel a expliqué samedi qu'il était favorable au maintien du juge d'instruction alors que sa ministre de tutelle est pour sa suppression. La réponse de la garde des Sceaux ne s'est pas fait attendre. «Jean-Marie Bockel, croyez-moi, se pliera aux arbitrages», a-t-elle lancé dès dimanche, au cours du «Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro».
Nommé secrétaire d'État à la Justice en juin 2009, le maire de Mulhouse, n'en finit pas de regretter son ancien portefeuille des Anciens combattants. «Jean-Marie m'a prévenu qu'il souhaitait bouger. Je ne savais pas encore qu'il rejoindrait Michèle Alliot-Marie mais je l'avais mis en garde», confie Hervé Morin, son ancien ministre de tutelle qui officie à la Défense.
Avocat de formation, Bockel rêvait de se voir confier les prisons. «On me l'avait promis», assure-t-il. Mais il s'est finalement retrouvé secrétaire d'État à la Justice auprès de la ministre de la Justice. Sans territoire bien à lui. «Un secrétaire d'État sans périmètre, c'est forcément des difficultés», confie l'intéressé. MAM lui a finalement confié trois dossiers - le suivi de la carte judiciaire, les réunions internationales et l'accès au droit -, mais Bockel continue à rêver de grands espaces. Contrairement à beaucoup de ses collègues, il ne jure pas, la main sur le cœur, que tout va pour le mieux et ne cache rien de ses états d'âme. Le 11 novembre, à l'Arc de triomphe, avant de prendre place dans la tribune officielle, il a fait un petit détour pour saluer quelques généraux. «Je m'en mords les doigts. J'étais tellement mieux avant», leur a-t-il dit en soupirant. Il est vrai que Michèle Alliot-Marie n'était pas forcément prête à partager son maroquin. «On m'a proposé un secrétaire d'État et j'ai répondu «pourquoi pas ?» », confiait-elle sans grand enthousiasme en juillet.
Alliot-Marie et Bockel, c'est un mariage de raison. L'un et l'autre cohabitent. «Le secrétaire d'État n'est pas choisi par son ministre, c'est quelqu'un qu'on lui impose, rappelle le ministre de la Relance, Patrick Devedjian. Alors, c'est forcément compliqué.»
De remarques en recadrages plus officiels, de bisbilles feutrées en règlements de comptes médiatiques, de petites mesquineries en surveillances plus ou moins discrètes, la cohabitation entre les ministres de plein exercice et leurs «seconds» n'est jamais simple...
Anne Rovan
Le Figaro