Au-delà des critiques politiques normales dans une démocratie, Nicolas Sarkozy fait l’objet d’attaques d’une grossièreté et d’une violence, rarement atteintes en France.
Les raisons n’en sont pas toujours très claires.
L’origine étrangère du Président y participe pour une part, comme très certainement sa réussite : en France, les conservateurs ou les esprits étroits pardonnent rarement à ceux qui réussissent trop vite, et qui, ne craignant pas d’afficher cette réussite, suscitent envie et jalousie. Son activisme aussi qui bouscule les hiérarchies, les habitudes et les situations acquises, son goût pour l’autorité, sa désinvolture vis-à-vis de cette pensée unique d’une gauche satisfaite, si satisfaite que le moindre changement la fait protester, peuvent aussi concourir à cette détestation.
Le noyau de cette haine se trouve, semble-t-il, parmi les « bobos », résidents des centres-villes, notamment des premiers arrondissements de Paris. Plus libertaires que démocrates, anti libéraux attachés à leurs libertés individuelles, d’autant plus persuadés de leur bon droit qu’ils estiment que celui-ci n’exige aucun devoir en retour, ardents défenseurs des droits de l’Homme et des exploités les samedis après-midi entre République et Nation, partisans des changements qu’apportent les modes, mais ennemis de ceux qui remettraient en cause leur confort intellectuel et moral, ces faux révolutionnaires, appartiennent le plus souvent au monde des « manipulateurs de symboles » modernes , intellectuels de moyenne gamme , ne se sentant pas reconnus à la valeur qu’ils s’accordent : publicitaires, journalistes, avocats, intermittents du spectacle , artistes auto proclamés, professeurs et étudiants engagés dans les filières sans débouchés…
Ce rejet sans concession du Président, est incarné par les trois aigris de la politique, mus par l’ anti-sarkozysme forcené qui leur sert de programme, par ordre alphabétique et d’entrée en scène politique, Bayrou, Royal et Villepin ! Tous les trois sont engagés contre Nicolas Sarkozy, dans un combat « personnel » qui emplit leur horizon mais les conduit dans une impasse.
Ségolène Royal, sans doute la plus politique et la plus volontaire des socialistes, salamandre ou phénix qui renaît de ses défaites successives - de la présidentielle, du Congrès de Reims, de ses demandes de « pardon pour la France » - serait la plus dangereuse, mais son refus de s’intégrer à son parti pour préférer mener une croisade personnelle et prétendument « morale » contre le Président, la condamne à la solitude, et ses interventions désordonnées et surprenantes suscitent une incompréhension toujours plus grande parmi les électeurs.
François Bayrou a commis l’erreur, en choisissant une opposition systématique, d’abandonner le « ni gauche ni droite », le « je soutiens ce qui est bien, je m’oppose à ce qui va dans le mauvais sens » qui le situait dans une position centrale et apparemment objective qui plaisait à beaucoup. Affaibli par le mauvais score réalisé par le MoDem aux dernières élection européennes, de plus en plus isolé, définitivement coupé des électeurs favorables à la majorité, il tente de se rapprocher d’une gauche qui ne l’acceptera jamais que comme un auxiliaire éventuel mais ne le soutiendra pas. Sa faute stratégique et sa haine obsessionnelle lui ont sans doute fait perdre toutes ses chances.
Dominique de Villepin, enfin, voudrait bien participer à la course politique, mais trop dilettante, trop personnel et trop éloigné des préoccupations des Français, il ne pourra même pas y entrer. Seule la scène médiatique s’offre à lui, où il peut jouer le rôle, toujours apprécié mais peu honorable et forcément limité, de celui qui attaque avec obstination son propre camp et ne se manifeste que dans le dénigrement de ses amis.
Tous les trois participent activement à cette déviation de la vie politique qui devient de plus en plus personnalisée et passionnelle et dans laquelle les polémiques remplacent les débats, les jeux des acteurs occultent les messages, la simplification obligatoire interdit toute nuance, et les critiques argumentées d’un projet, d’une décision ou d’une politique cèdent définitivement la place aux mises en causes personnelles.
Marc d’Héré