Par Jean Kaspar...
Dans son discours de clôture de la convention annuelle du MEDEF qui s’est tenue le 5 février au
théâtre du Mogador à Paris, Laurence PARISOT a notamment déclaré, s’adressant aux chefs
d’entreprises :
« … vous en bavez comme jamais... Ici pour défendre un industriel, ou même toute une
industrie ; là pour soutenir telle activité de services ; là pour encourager les représentants du
bâtiment ; là pour promouvoir une foire, un salon, et même un centre commercial qui ouvre le
dimanche ! Bref, vous êtes sur tous les fronts pour tenir en vie l’économie de notre pays. C’est vous qui le faites et ce n’est personne d’autre ! »
Nul doute que le mérite des chefs d’entreprises est incontestable. Il leur faut du courage, de l’imagination et de la volonté pour faire face à un contexte de plus en plus difficile, trouver les voies et les moyens permettant d’assurer la pérennité de leur entreprise, impulser les nécessaires évolutions et transformations, mobiliser le personnel et répondre aux attentes du corps social.
Ce constat étant fait on ne peut pas en déduire comme le fait d’une façon abusive, Laurence
PARISOT que c’est les chefs d’entreprises qui sont les seuls acteurs, qui « tiennent l’économie de notre pays en vie et personne d’autre ! ». Ce sont des propos excessifs, contraire à la réalité. Ils ne contribuent pas à créer une mobilisation positive de tous les acteurs qui, de fait, concourent au
développement économique de notre pays.
Soyons lucides :
Les entreprises ont besoin de chefs d’entreprises compétents, imaginatifs, à l’écoute des évolutions et des transformations qui s’opèrent dans la société, à l’écoute des attentes de leur personnel, prenant en compte la responsabilité environnementale et sociétale de l’entreprise.
Elles ont besoin aussi d’un État définissant un cadre favorable à l’initiative, construisant des règles fiscales et sociales favorables au progrès économique et social, contribuant au
développement de services publics de qualité, favorisant, en partenariat avec tous les
acteurs, le développement de la recherche et de la formation. Elles ont besoin d’un État qui
intervienne sur le plan européen pour définir des politiques communes et traçant des perspectives
pour construire de nouveaux lieux de régulation financière, économique et sociale sur le plan
mondial.
Plus concrètement un chef d’entreprise a besoin aussi d’un comité de direction qui éclaire les
décisions, les porte, les mette en oeuvre et mobilise toute la chaîne de l’encadrement pour
associer aux différents projets les équipes et l’ensemble du personnel.
Enfin, la réussite d’une entreprise repose aussi sur l’implication de son personnel, la qualité
de son dialogue social et un bon fonctionnement des i n s t i t u t i o n s représentatives du personnel pour permettre une meilleure prise en compte de la dimension sociale comme un facteur de la performance globale de l’entreprise.
Le discours de la Présidente du MEDEF est d’une caricature déconcertante. Il nous faut, aujourd'hui plus que jamais, sortir d’une démarche qui idéaliserait le rôle de l’un ou de l’autre des acteurs.
Pour répondre à la gravité du contexte financier, économique et social il ne s’agit pas de savoir
quel est l’acteur déterminant. Ce qu'il nous faut, c'est construire des stratégies de coopération
entre tous les acteurs (entre les États, entre l’État et les partenaires sociaux, entre les chefs
d’entreprises et leur encadrement, leurs institutions représentatives, les représentants
syndicaux et l’ensemble du personnel) pour ouvrir une perspective mobilisatrice de sortie de crise.
Ce qu’il nous faut donc, c’est à la fois de la modestie et de l’ambition.
La modestie parce que, aucun acteur seul n’est capable de répondre à l’importance des
défis économiques, sociaux, culturels et politiques auxquels sont confrontées nos
sociétés. Nous avons besoin de l'implication de tous pour réussir.
L’ambition, car rien n'est joué d'avance, ni le meilleur, ni le pire. Nous avons l’opportunité de construire de nouvelles règles du vivre ensemble pour surmonter la crise et ouvrir les voies à un nouveau type de développement économique et social. Sachons saisir cette chance. C’e s t
l’intelligence collective qu’il nous faut faire émerger car c’est elle qui permet réellement de faire vivre l’économie d'un pays et non le seul engagement d'un des acteurs aussi déterminant soit-il.
Jean Kaspar
JK News letter, Mars 2009