Certains s’étonnent de voir des hommes et des femmes du centre, du centre gauche, voire même de gauche soutenir l’action de Nicolas Sarkozy. Jugeant parfois cela inconcevable et scandaleux, ils se laissent aller à accuser ceux qui font ce choix d’être des naïfs qui se laissent berner, ou des ambitieux sans convictions qui se laissent « acheter ». A l’évidence, il existe d’autres explications à leur choix.
Tout d’abord on peut faire observer que le clivage entre gauche et droite n’est sans doute plus aujourd’hui aussi discriminant. Certes les sensibilités de droite ou de gauche existent toujours mais elles apparaissent comme moins décisives dans les choix politiques, ou en tous cas, elles ne sont plus les seules. Le clivage essentiel aujourd’hui semble être celui qui sépare les réformistes qui veulent le changement et ceux qui choisissent l’immobilisme et le repli sur soi…..S’il y a des partisans de l’un et de l’autre aussi bien à droite qu’à gauche, force est de reconnaître que Nicolas Sarkozy se place résolument dans le camp du changement et ceux qui, à gauche, le soutiennent, le font d’abord pour cette raison, ne pouvant plus accepter le conservatisme de la gauche institutionnelle et du PS en particulier.
Mais, nous dira t-on, il n’en reste pas moins que Nicolas Sarkozy est de droite, qu’il se revendique comme tel. Des hommes ou des femmes qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche, ne peuvent mener à ses côtés une politique qui par définition ne peut être qu’une politique de droite.
Il est vrai que Nicolas Sarkozy s’affirme de droite. Sa tradition, ses réflexes, certaines de ses déclarations, ses méthodes parfois, sont d’un homme de droite. Pourtant, à bien y regarder, ses principales orientations et la plupart de ses décisions ne sont pas de droite, mais pourraient même être qualifiés de centristes ou de progressistes, mises en œuvre par un gouvernement dont on ne peut que souligner l’ouverture et la diversité.
La politique étrangère de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner n’est pas une politique de droite. Ils visent à une large « politique de réconciliation », et, tout en rejetant le suivisme, ils adoptent une attitude équilibrée et plus constructive que celle de la droite traditionnelle vis-à-vis des Etats-Unis, dont ils accompagnent la lutte contre le terrorisme. Les efforts déployés pour le Darfour ou pour contribuer à régler la crise libanaise, la politique nuancée vis-à-vis de la Chine, le projet d’une « Union pour la Méditerranée », l’élaboration, la signature et la ratification du traité « simplifié » de Lisbonne qui relance l’Europe et rend à la France toute sa place dans l’Union, traduisent des changements heureux dans la politique de la France et peuvent être largement soutenus, que l’on soit du centre ou de gauche.
La politique intérieure est également une politique novatrice, réformiste, dépassant les clivages traditionnels et ne peut être qualifiée de politique de droite.
C’est d’abord le Grenelle de l’environnement qui permet le lancement de mesures ambitieuses et de long terme favorables à l’environnement et au développement durable et dont on commence à voir (avec l’opposition d’une partie de la majorité de droite) les premières concrétisations.
C’est la volonté de moderniser l’Etat, de réformer son fonctionnement tout en veillant à préserver son rôle et son autorité, d’alléger son coût global (qui limite toute marge de manœuvre notamment sociale), tout en améliorant l’efficacité des services publics et le revenu des fonctionnaires, particulièrement celui des plus méritants et des plus productifs. C’est la réforme de l’école et celle des hôpitaux qui doit leur permettre d’être plus efficaces et de rendre, à coût supportable, de meilleurs services au public. C’est, au bénéfice des plus faibles et des plus fragiles, la poursuite de la lutte contre la délinquance et l’insécurité.
Ce sont les réformes sur l’autonomie des universités, sur le service minimum dans les transports et bientôt pour l’accueil à l’école, ou sur les retraites des régimes spéciaux, menées dans la concertation la plus large avec les organisations syndicales. C’est la « modernisation du marché du travail », pour laquelle le gouvernement s’en est remis à la négociation entre acteurs sociaux et qui a abouti à un accord qui va contribuer à rénover notre droit du travail et favoriser la croissance et l’emploi. Cette méthode de rénovation sociale, qui est tout sauf une méthode de droite, se poursuit, et plusieurs négociations sont en cours entre acteurs sociaux, dont l’Etat devrait ratifier les conclusions.
C’est la politique menée pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés par une plus grande liberté donnée au travail, par la défiscalisation des heures supplémentaires et leur meilleure rémunération, par les facilités accordées à l’accession au logement, par la possibilité de « monétiser » ses jours de RTT, le très important projet préconisant le développement de l’intéressement et de la participation, et incitant fortement les entreprises à négocier des augmentations de salaires.
C’est une politique pour l’emploi qui vise à favoriser les créations de nouveaux emplois plutôt que la défense d’emplois obsolètes, qui encourage la recherche et l’innovation clés du développement et protection contre les délocalisations, une politique qui responsabilise les acteurs, qui permet un meilleur suivi des demandeurs d’emploi par l’unification de l’ANPE et de l’Unedic, qui expérimente et va généraliser des mesures incitatives telles que le RSA de Martin Hirsh…..
C’est aussi, dans le domaine de l’immigration, la volonté de concilier une maîtrise des flux migratoires avec le développement d’une immigration du travail, une politique de co-développement basée sur des accords de plus en plus nombreux avec des pays d’Afrique, une véritable intégration, et un plan ambitieux pour les quartiers difficiles (où depuis des années, la gauche et la droite ont concentrés les immigrés…)…
C’est un projet de réforme des institutions, qui vise notamment à élargir la démocratie, à augmenter les pouvoirs du Parlement et à mieux encadrer ceux du Président…
Voilà quelques bonnes raisons pour que des responsables, des militants, des citoyens à la sensibilité de gauche ou de centre gauche, réformistes, refusant le sectarisme comme le conservatisme, n’aient aucune difficulté à soutenir l’action du Président de la République et à agir au sein de la majorité présidentielle. Ils peuvent, sur certains points, à l’occasion de certaines déclarations, devant certaines attitudes, éprouver des réticences, c’est vrai, mais ils en éprouveraient tellement plus si c’était le programme de la gauche qui devait s’appliquer ! Tout en accordant leur soutien à la politique suivie comme aux réformes entreprises, ils ont également l’ambition et la volonté d’influer sur les décisions à venir en contribuant à ce qu’elles prennent toujours davantage en compte la solidarité, l’équité et la lutte contre les inégalités …
Marc d’Héré